Cut Worms : ritournelle martienne


Cut Worms, c’est (était ?) le leader de la martian pop, un ovni venu d’ailleurs au service d’une pop glaciale et… lunaire ? J’avais eu l’occasion de chroniquer son premier EP (ici) ainsi que de l’interviewer (ici). Nous y avions parlé de soucoupes volantes, bedroom pop et de weirdos. Et de Brooklyn. 

Cut Worms revient ce mois-ci avec Hollow Ground, le premier album tant attendu. Ce dernier reprend bon nombre des titres de son EP qu’il a réenregistré pour l’occasion. Et si j’ai longtemps cru que Cut Worms était un nihiliste, je dois constater m’être trompé. Pour cause, Cut Worms me semblait dénier les valeurs terrestres, faire de sa musique le plaidoyer pour une vie ailleurs. Avec Hollow Ground, il s’affirme comme un très fin mélodiste, mais semble revenir en partie sur sa direction pop martienne. Il met à profit ce premier LP pour se tourner vers une pop baroque qui rappellera Jacco Gardner and co. On y perd le côté glacial qui lui allait si bien. Y trouve-t-on autre chose en échange ?




How It Can Be“, le premier titre, indique la tournure de cet album, mais il est encore trop tôt pour en juger. Coward’s Confidence” est la première réaffirmation de la voix extraterrienne de Cut Worms. On imagine ce titre avec la production de son EP, distant, minimaliste. Ici, Cut Worms joue la carte de la ritournelle. C’est celle qu’il a retenue pour l’ensemble de son album.

Don’t Want To Say Good-bye” – un titre que nous connaissions déjà – fait l’objet de quelques accords acoustiques très bien produits. Et vient It Won’t Be Too Long“, le premier titre qui sorte de cette texture fifties-french pour se porter vers un peu plus de surf. Il n’en demeure pas moins que Cut Worms est toujours aussi chaleureux, Cut Warm, en quelque sorte. Et Till Tomorrow Goes Away” de faire office de crash test. Cut Worms a maintenu toute l’amplitude de son flegme, le flow est lent, l’instru’ est encore discrète, c’est sa voix qui l’emporte et c’est là où il est le meilleur.


Like Going Down Sideways“, un autre essential de son EP, réussi une fois encore à nous ramener sur la lune. Le paysage est sombre, un chien semble égaré, les fleurs sont phosphorescentes et l’on se dit que Cut Worms n’est jamais aussi bon que lorsque l’orchestration est en retrait. Ou lorsqu’elle est austère, parce que Cut Worms ne l’a rend jamais synonyme d’atone. 

Think I Might Be In Love” et Cash For Gold” vont graduellement vers la fiesta pop que les artistes de power pop aiment tant. Je pense bien évidemment aux GoHanging Your Picture Up To Dry” en rajoute sur le côté vieille Amérique, ce qui lui va bien mieux que le côté vieille France. Ici, on troque la baguette de pain pour un verre de whisky au coin d’une vitre poussiéreuse. Sur la table, des plantes grasses prennent trop de place. Des mouches sont collées sur un ruban adhésif, Cut Worms résonne en fond, on est assurément sur terre, mais on s’y sent bien. Et Mad About You” de venir nous dire que le manège n’en finira jamais de tourner, ultime preuve que cet album joue la carte de la ritournelle plus que de la pop martienne.



Cut Worms, c’est un projet solo pour éviter d’entasser les solitudes. Alors, on l’aime particulièrement lorsqu’il nous fait sentir qu’il est seul, loin de l’instru’ plus joviale que cet album met parfois à l’honneur. Il me confiait d’ailleurs ne pas vouloir “être répertorié comme un artiste « underground ». Personne ne souhaite réellement cette étiquette. C’est simplement une façon plus romantique de dire que tu n’as pas de succès. Il n’y a rien de mal à ne pas être populaire, mais le but c’est quand même que les gens écoutent ce que tu fais, non ?“. On se demande si la nouvelle direction de cet LP est de son fait et de celui de Jagjaguwar, mais le fait est qu’il se tourne davantage vers ce qu’il a d’accessible dans sa musique. Cela n’a rien de mal en effet, mais c’est à la condition que l’artiste n’en perde pas son essence.

Il est bien évident qu’Hollow Ground est un magnifique fer-de-lance qui servira la notoriété de Cut Worms, mais je le crois meilleur sur son EP, lorsqu’il emprunte ce qu’il faut à la bedroom pop pour nous dire qu’il est “seul contre le monde”. Lorsque je lui demandais s’il l’était, il me disait : “Seul contre le monde… d’une autre planète… on continue la métaphore martienne… J’imagine que tous ceux qui réalisent quelque chose souhaitent voir leur travail prendre sens dans un contexte qui dépasse le cadre initial – culturellement ou autre.” C’est précisément lorsqu’il se montre à nous esseulé que l’on s’identifie le mieux à lui et que, de fait, sa musique dépasse son propre cadre. Je le crois du moins.


(mp3) Cut Worms ‎- Till Tomorrow Goes Away
(mp3) Cut Worms ‎- Like Going Down Sideways

Tracklist : Hollow Ground (LP, Jagjaguwar, 2018)
1. How It Can Be
2. Coward’s Confidence
3. Don’t Want To Say Good-bye
4. It Won’t Be Too Long
5. Till Tomorrow Goes Away
6. Like Going Down Sideways
7. Think I Might Be In Love
8. Cash For Gold
9. Hanging Your Picture Up To Dry
10. Mad About You

Liens :
Article sur son EP
Interview avec Cut Worms


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