Album Review : Shabazz Palaces – Black Up (Hip-Hop)



Album Review : Shabazz Palaces

Black Up



Cet article va en décoiffer plus d’un mais après tout, n’êtes vous pas aussi la pour ça ? Il s’agit d’évoquer aujourd’hui Shabazz Palaces, groupe de hip-hop originaire de Seattle, le premier produit par l’excellent label Subpop. Après l’avoir évoqué sur le Facebook de Still in Rock, je décide finalement de leur consacrer cet album review, un choix que j’assume pleinement. Certains (et ils sont nombreux) parlent d’ores et déjà d’hip-hop du futur, comprenez que Still in Rock ne pouvait passer à côté. Que ce soit le New-York Times, Guardian, LA Times, et bien d’autres encore, personne ne semble louper la marche. Elle est haute, mais essentielle.

Pour vous faire comprendre l’engouement que je porte à se groupe, je dois vous révéler quelque peu de l’envers du décor. Tous les jours, j’écoute une multitude de nouveaux groupes. Souvent, aucun ne retient mon attention, rarement, un sort du lot. Tous les lendemains, je recommence, le rythme est effréné, bien trop rapide à mon gout, mais il en est ainsi. Lorsque je trouve enfin un titre/groupe qui m’enchante, je me permets – la folie – de l’écouter des dizaines de fois, au détriment peut être de quelques autres formations. Concernant Shabazz Palaces, cela fait déjà 2 semaines que je reviens constamment vers eux, le son trouvé par la formation est inattendu et permet un travail fantastique de l’oreille, je ne m’en lasse toujours pas. Vous savez tous. Ou presque.

Leur troisième opus (les deux premiers étant uniquement paru sur le site internet du groupe), “Black Up“, sorti tout récemment, est une réussite évidente, du style de celle qui met tout le monde d’accord. Pour le monde du hip-hop, à l’image du dernier Kanye West, cet opus fait avancer le genre, il ne se contente jamais d’utiliser les codes en place, mais va bien plus loin, au-delà de ce qui fut fait en son époque. Chapeau bas. Pour le monde indie, Shabazz Palaces est aussi un exemple qui je suis sur en influencera bon nombre. Non seulement la formation a pris le risque de produire un album hybride fort difficile à cerner, plus encore, elle se passe bien des majors et leurs réseaux de distribution ce qui, vu le style musical produit, et encore plus louable (remarquez en effet combien de groupes dits “indie” produisent en réalité un son attendu et facilement accessible).

Pour être plus technique à présent, Shabazz Palaces s’impose comme le groupe psychédélique du monde du hip-hop. Les morceaux ne cessent de muter et évoluer sur différents tableaux, une sensation de brouillard envahit rapidement notre esprit qui se laisse prendre au jeu, rythmiques hypnotiques et sonorités exotiques étant maitres mots. Shabazz Palaces n’hésite pas à prendre au jazz ce qui l’intéresse, il n’hésite pas non plus à réaliser des mash-up sur ces propres morceaux. Les sonorités semblent venues d’un temps futur où la science-fiction telle que nous la concevons actuellement serait réalité. La production est fort bien travaillée, le travail studio fut probablement énorme. En puis devinez quoi, il n’y a que 10 titres (les plus fidèles d’entrevous comprendrons). Place à la critique détaillée :

  • free press and curl : Titre introductif noir et torturé. Pour me souvenir de ma première écoute, celle-ci m’avez déconcertée. Il en va bien différemment à présent, la richesse de “free press and curl” est trop flagrante pour oser se contenter de quelques écoutes non averties. La 3ème minute illustre la facilité de Shabazz Palaces à varier ses univers, une sorte de discontinuité qui au final formera l’identité de Black Up.

  • An echo from the hosts that profess infinitum : Un des titres les plus difficiles d’accès. Lorsque je vous parlais d’hip-hop psyché, vous en comprenez à présent ce qui en relevait. Aux allures parfois tribales, “An echo from the hosts that profess infinitum” pourrait résonner bien fort.

  • Are you… Can you… Were you? (Felt) : À l’image de son intitulé, ce morceau hésite à vous faire pénétrer son univers. Après une première minute d’hésitation, les portes s’ouvrent enfin. Le trajet sera long avant de voir paraitre le bout du tunnel, cette lumière forte et bien trop crue que vous refusez de rejoindre, une deuxième écoute s’impose.

  • A treatease dedicated to The Avian Airess from North East Nubis (1000 questions, 1 answer) : J’avoue avoir du mal à percevoir quelle est la réponse aux nombreuses questions musicale que pose ce titre. Qu’importe. Je ne suis pas certain qu’il marquera beaucoup d’esprit, le reste de l’album étant, sur un plan émotionnel, trop puissant pour que ce dernier retienne l’attention.

  • Youlogy : La première minute de “Youlogy” me séduit moins que celle des autres titres. Pour ce qui est du reste, il s’avère que ce soit bien plus convaincant. La trompette jazzy des derniers instants y est pour beaucoup. “Youlogy” est un ovni, voix et styles s’y mélangent, “Youlogy” est au final une pierre essentielle à Black Up.

  • Endeavors for Never (The last time we spoke you said you were not here. I saw you though.) : Le stade supérieur est ici franchi. “Endeavors for Never” est l’un des titres marquants de l’album. Tout droit sortit d’une séance d’hypnose, laissez vaquer votre esprit, il vous le rendra bien.

  • Recollections of the wraith : Titre laissant la plus grande place aux chorus de tout l’album, “Recollections of the wraith” fait l’objet de nombreuses reprises par les Shabazz Palaces eux-mêmes. Il y a de quoi.

  • The King’s new clothes were made by his own hands : Dommage que ce titre soit bien trop court, les paroles assassinent associées à un groove implacable forment pourtant un cocktail détonnant.

  • yeah you : “yeah you” est probablement le titre le plus difficile à décrire de l’album. On y voit un fou enfermé dans sa prison, un Président en colère ou un homme sauvage en proie à un prédateur, bref, “yeah you” suscite émotions et questionnements.

  • Swerve… The reeping of all that is worthwhile (Noir not withstanding) : Le titre le plus accessible placé en fin d’album ce qui me fait dire que la maquette de cet opus est fort bien réalisée et audacieuse. “Swerve… The reeping of all that is worthwhile (Noir not withstanding)” est une claque mise à tous ceux qui ont jusqu’à alors osé douter du talent de la formation. Tout y est : un beat incomparable, le rythme entraînant, le jazzy parfois rencontré et l’audace du changement.



Comme décrit en introduction, chaque morceau finit au point B lorsqu’il commence au point A. Les paroles sont fascinantes, à l’image de la musique, difficile à cerner et emblématique d’un groupe qui ose franchir les limites de ce qui doit être fait. “I can’t explain it with words / I have to do it“. Les projets se développent à vitesse grand V autour de cette formation. Ainsi, une session studio (KEXP) vient d’être dévoilée, une merveille du genre.

(mp3) Shabazz Palaces – Session KEXP (exclue Still in Rock)

Aussi, une session Daytrotter vient d’être donnée en pâture, vous la trouverez ici même et je vous livre l’écoute du meilleur enregistrement issu de cette dernière.



Parfois la lumière pénètre cet opus très sombre, quelques rayons viennent faire étinceler quelques recoins qui jusqu’à alors demeuraient inconnus. Pitchfork, je cite, ose les mots à cet égard, “it’s no exaggeration to call this transmutation what it is: magic“. Non que je sois souvent d’accord avec leurs critiques toujours très unilatérales et prévisibles, il semble qu’ils aient cette fois-ci trouvé le mot, magique. C’est probablement le sentiment de liberté qui se dégage à l’écoute de Black Up qui fait que l’on considère son existence comme quasi-mystique. Il permet de voyager en de larges espaces, des espaces vides, ravagés il y a bien longtemps par l’existence d’une entité inconnue, un espace où les sons de Shabazz Palaces parviennent toutefois à demeurer, à coexister, s’entrechoquer et finalement former un album dont on se souviendra.


Note : 8 / 10 (barème)


Titres album :


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2 Comments

  • wilepiQ

    Merci pour cette review, et la session studio d'anthologie, que je n'avais pas dégotée… De mon côté je pousse jusqu'au 10/10 (allons y !), c'est mon album de l'année 2011, talonné de près par l'excellent Kills et le non moins sublime James Blake… Repéré également : Nicolas Jaar, "Space is only noise"… Mais pour revenir aux Shabazz, il y a bien longtemps que le hip-hop ne m'avait procuré autant de frissons : voici la voie à suivre pour la relève !

  • Still in Rock

    Quel engouement, ça fait plaisir à lire. Dès demain je publie le classement des albums de 2011, affaire à suivre …

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