Mac DeMarco, nihiliste cette fois-ci



Le nihilisme, c’est quoi ? C’est une “doctrine selon laquelle rien n’existe au sens absolu; négation de toute réalité substantielle, de toute croyance”. Un nihiliste, c’est qui ? C’est Flaubert, “le négateur le plus large que nous ayons eu dans notre littérature” dixit Zola. C’est également Mac DeMarco, version Here Comes The Cowbow et je m’en vais vous expliquer pourquoi. Lorsque que j’ai écouté Here Comes The Cowboy pour la première fois, son nouvel album paru le 10 mai dernier (sur son propre label, bye bye Captured Tracks), je me suis dit que Mac DeMarco allait enfin assumer son amour pour Ween, et plus particulièrement, pour l’album Golden Country Greats (1996). J’ai pensé que le premier morceau serait celui d’un cowboy qui arrive en ville sur son cheval, le pas lent mais assuré, et qu’ensuite, les saloons nous réserveraient moult surprises.


Je m’étais trompé. Avec cet album, Mac DeMarco achève simplement le mouvement initié par Another One. J’avais identifié un glissement du slackerism vers le twee (le titre de l’article), mais je n’avais pas vu la suite venir. Elle était pourtant logique. Plus les albums vont et plus Mac DeMarco ralentit le tempo. Il se montre aussi plus réservé, et ici, plus nihiliste que jamais. Ce nihilisme, je le trouve à deux niveaux : sur les paroles et l’intention (d’un côté); sur la musique (de l’autre). Le nihiliste, qui se refuse à croire, ne saurait en effet s’embarrasser de composer des mélodies très riches et parfois trop colorées. Il se contente plus volontiers de choses minimalistes, parce que de toute façon, le néant guette toute chose de la vie. C’est ainsi que Mac DeMarco a composé cet album, proche du songwriting d’un Calvin Johnson ; mais aussi probablement d’un Nick Cave voir d’un Leonard Cohen un jour de soleil.


Je trouve ainsi le nihilisme du Mac DeMarco 2019 sur l’ensemble des titres qui composent cet album, quand bien même certains sont groovy, funk ou jangle-ish. Pour cause, ils sont tous bâtis sur une même structure consistant en une orchestration faite de deux boucles. Certains y verront le signe d’un album composé à la va-vite, d’autres y verront un album trop peu complet, un résultat dégarni. J’y vois le courage d’un artiste qui a osé un album qui copie pas la guitare de son album 2 à chaque occasion, ni même celle des albums précédents. Johnny Thunders avait osé la même chose (bien que dans un style différent) à l’occasion de son album Hurt Me. A l’époque, une large partie de la presse n’avait trouvé rien de mieux que de s’en moquer.

Les quatre premiers morceaux sont ainsi autant de balades soft-rock qui rapprochent DeMarco de la musique slowcore de Bill Callahan. Et puis, alors que le ciel tourne au bleu gris de Turner, “Preoccupied” vient introduire un peu plus d’entrain, oiseaux et sonorités tropicales à l’appui.

Choo Choo” casse le rythme avec ce qui est la chose la plus funky jamais composée par DeMarco. Est-il moins nihiliste pour autant ? Assurément pas. Un auteur disait qu’avec “un peu plus de chaleur dans le nihilisme, il me serait possible – en niant tout – de secouer mes doutes et d’en triompher. Mais je n’ai que le goût de la négation, je n’en ai pas la grâce” (Cioran). Cette chaleur, je crois, est celle qui caractérise l’album de Mac DeMarco, et c’est pour cela qu’il est excellent. Pour sur, Here Comes the Cowboy n’est pas la chose la plus colorée de 2019. Mac DeMarco ne s’y lamente pas, mais il décrit bien des moments de tristesse et de solitude. Malgré cela, la voix n’a rien perdu de son petit rictus, voyez K“. La guitare est parfois rieuse, voyez Hey Cowgirl, et la présence des claviers apporte un peu de romantisme, voyez Heart to Heart“. Il y a parle beaucoup d’amour.

Finalement, caché sous la lenteur des mélodies, le zèle de Mac DeMarco trouve une nouvelle forme d’épanouissement. Il embrasse les réminiscences du passé plus qu’il ne se rappelle les fantômes, preuve en est avec “All of Our Yesterdays“. “Baby Bye Bye“, le dernier, ne lésine pas sur l’affabilité d’une guitare acoustique embarquée par une instru’ tout aussi binaire, mais terriblement bienveillante. Here Comes the Cowboy ne nous veut donc aucun mal. 



J’en viens ainsi à ma conclusion. D’un côté, Mac DeMarco est nihiliste, il nie le besoin d’être entouré, il nie les conventions qui imposent de cacher sa mélancolie et il nie la nécessité de composer des morceaux plus élaborés. D’un autre côté, plusieurs écoutes viennent révéler que cela n’est finalement qu’un chemin vers quelque chose de plus acceptable et de plus chaud. Sous le nihilisme de Mac DeMarco se cache ainsi son hédonisme, je cite, “doctrine philosophique qui considère le plaisir comme un bien essentiel, but de l’existence, et qui fait de sa recherche le mobile principal de l’activité humaine”. Sans nous mentir sur ses envies de ne plus composer d’albums trop souriants, sans dévier de sa trajectoire soft rock amorcée il y a 3 ans déjà, Mac DeMarco propose un album simple, prenant plaisir à ne rien feinter. Je l’aime pour cela, cet album.


(mp3) Mac DeMarco – K

(mp3) Mac DeMarco – Baby Bye Bye

Tracklist: Here Comes the Cowboy (LP, Mac’s Record Label, 2019)


1. Here Comes The Cowboy
2. Nobody
3. Finally Alone
4. Little Dogs March
5. Preoccupied
6. Choo Choo
7. K
8. Heart to Heart
9. Hey Cowgirl
10. On the Square
11. All of Our Yesterdays
12. Skyless Moon
13. Baby Bye Bye

Liens :
Article sur son album This Old Dog
Lien vers TOUS les articles sur Mac DeMarco (depuis 2012)

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