Mac DeMarco: from Slacker to Twee ?

Le lieu dans lequel on écoute un album pour la première fois est déterminant. J’étais pour ma part à Amsterdam, tranquillement installé sur un banc au bord d’un canal, des bières néerlandaises dans la poche. Je regardais les mouettes – tel Georges dans Seinfeld – et j’ai ainsi trouvé une grande mélancolie dans ce nouvel album de Mac DeMarco. A la réflexion toutefois, je crois que j’y aurai également trouvé ce spleen où que je me sois trouvé. Comme l’indique le titre de cet article, “from Slacker to Twee”, Mac DeMarco délivre ici son LP le plus personnel, et, en apparence seulement, le plus twee de tous. Un twee, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, “often refers to a type of simple sweet pop music, but in British English it is used much more widely for things that are nauseatingly cute or precious. It comes from the way the word sweet sounds when said in baby talk. Pour faire simple, un twee, c’est une sorte d’hippie toujours heureux, qui se balade avec DVD de Wes Anderson à la main.” Il y ajoute une dimension de clown triste.
Nous avons connu Mac DeMarco très slacker, une sorte de drôle de personnage que j’ai vu jouer de la guitare avec son sexe en 2011. Les années ont passé, Mac a quitté kiki et il semble s’être assagi, au regret de certains. Le fait est que ce nouveau Mac DeMarco – permettez-moi cette expression, même si on ne change véritablement jamais – est tout aussi convaincant que les précédents, mais qu’il faut probablement frotté le verni de son apparence. Cet album gentil a beaucoup de ce que l’on aime chez Mac DeMarco, une voix de crooner, une production parfaite, des morceaux qui ont une très forte identité, des influences peu visibles, des textes qui marque, des passages de jangle pop enjoués et de belles boucles musicales. Mac DeMarco a certes troqué un peu de rock’n’roll contre un élan plus post wave, mais là n’est finalement que le lot des meilleurs artistes, capables de se renouveler dans la continuité.
Gentil, je le disais, cet album l’est incontestablement. Le coeur brisé d’Another One semble avoir laissé placé à plus de quiétude – Mac le dit sur “Another One” – on y trouve des élans de bossa-nova à la Devendra Banhart – si ce n’est pas twee, ça! -, il s’est pacifié et parle de rester au lit à trois reprises, comme pour mieux nous convaincre de la nécessité de faire des collages ou jouer avec des coquillages toute la journée durant.
Si j’écrivais à l’occasion d’Another One que Mac DeMarco brillait par sa capacité à déconnecter le message de la forme artistique, Mac DeMarco prend le parti contraire avec This Old Dog. Les thèmes vieux comme le monde – amour, solitude, amour… – sont présentés sous une nouvelle perspective, Mac DeMarco-ish. Cette perspective, c’est aussi celle d’un joyeux luron pas si joyeux que ça. Je vais y revenir.
My Old Man“, le premier morceau, est une allégorie du temps qui passe. Le son de la guitare s’apparente à l’horloge qui n’en finit jamais de tourner. La phrase “I’m seeing more of my old man in me” est je crois un universel, je dois dire qu’elle résonne en tout cas particulièrement fort chez moi et j’espère que vous la recevrez de la même façon. Ce titre, premier single dévoilé, est un véritable tour de force qui, je crois, aurait permis à n’importe quel artiste de slowcore de connaître une véritable explosion, Cass McCombs compris. “This Old Dog” pourrait également parler d’une relation paternelle, mais c’est ici que Mac DeMarco joue au crooner qui était désabusé et qui est aujourd’hui certains de ses sentiments. Mac DeMarco promet d’oublier le passé et l’on comprend que This Old Dog sera un album plus analogique que les précédents.
Vient alors “Baby You’re Out“, surprenant, de prime abord. Ce morceau n’est pas le plus engageant de l’album, mais surement est-il le premier à faire apparaître les élans Twee de cet LP. Rien n’est jamais si grave qu’il n’y paraît, c’est Mac qui le dit, une veste en tweed sur le dos, un podcast de Matthew Barney en fond. “For the First Time” renoue avec un peu plus de gravité du côté de l’instru’. Si les premiers accords sont dissonants – les amateurs de jazz apprécieront – on se trouve ensuite nez à nez avec un très beau refrain, mélodique et amoureux. Voyez, Mac disait s’en désintéresser sur le 2ème morceau et il revient ici à la charge, grisonnant, mais twee malgré tout.
De façon assez paradoxale, “One Another” reprend le titre de son précédent LP, il est également le seul à rappeler très directement l’ancien Mac DeMarco – avec ce solo jangle pop final – mais il fait également office de totem twee, le refrain conclusif est la preuve parfaite de ce que Mac aime manger des cupcakes. Et “Still Beating” prend le relais. Mac dit ne jamais avoir voulu la faire pleurer, quel gentleman ! “Sister“, un morceau acoustique d’une minute à peine, parfait l’alternance constante avec gaité et mélancolie. Et toujours, Mac dit vouloir en faire beaucoup pour les autres. Mis côte à côte avec “Still Together“, ce titre semble signifier le déclin mental d’un homme à la peine.
Dreams From Yesterday” attaque la second moitié et lorsque je vous parlais de bossa-nova, notons ces quelques airs auxquels Mac ajoute la “carte flegme”. Quant à “A Wolf Who Wears Sheeps Clothes”, il est je crois l’une des plus grandes réussites de cet LP. L’influence de J.J. Cale ne s’était jamais fait sentir d’une façon aussi forte dans la musique de Mac DeMarco. Il en reprend la production vocale, le style folk-country qui n’oublie pas d’être groovy ainsi que l’harmonica allié à une création pop. Laissez-moi insister ici sur la présence de la basse, une fois encore, qui emporte tout le titre avec elle. Cette sensation de rondeur qui nous accompagne depuis la première seconde de cet album est très probablement le fait d’une basse sur laquelle Mac DeMarco a fait un véritable travail. 
One More Love Song“, c’est le troisième morceau dans le lit, et une fois encore, Mac DeMarco continue l’alternance entre enjouement et langueur. Force est de constater qu’il excelle dans le premier comme dans le second, n’en déplaise à ceux qui ne le pensent pas sincère ou qui sont restés bloqués sur Rock and Roll Night Club.
On the Level” semble finalement aboutir à la conclusion logique de cet LP, comme si Mac DeMarco avait repris l’amertume de ses précédents morceaux pour enfin s’avouer abattu par celle qu’il pourchasse. Le story telling est très bien fait et “Moonlight on the River” annonce les derniers instants de ce long week-end. Parfait résumé de ce que contient This Old Dog, ce morceau ajoute un final d’exception. Tout semble s’agiter devant Mac DeMarco tandis qu’il reste le regard figé, incapable de la moindre interaction, comme pour ne pas déranger l’ordre des choses. Excusez ce lyrisme déplacé. “Watching Him Fade Away” y met fin, une fois encore avec la seule voix de Mac DeMarco qu’il accompagne d’un synthé plein de langueur.
Mac DeMarco nous avait donné la bande-son d’un vendredi festif avec Rock and Roll Night Club, l’excuse d’un samedi canapé avec 2, une soirée en amoureux sur Salad Days et le lendemain qui déchante avec le célibat d’Another One. This Old Dog prend acte du cheminement artistique de Mac DeMarco, nous voilà un dimanche soir, entre tristesse et fatalisme, nous sommes assagit comme peiné, surtout, nous sommes inoffensifs.
La production de cet LP, une fois encore, est un modèle du genre hi-fi, loin du son un peu beaucoup crado’ de Makeout Videotape (écoutez “Island Groovies“, déjà CETTE basse…) et ça fonctionne à la perfection. Je l’ai dit, les titres de This Old Dog alternent de façon presque mathématique entre maussaderie et vertige des jours heureux. Sous ses airs assagi et plus tempéré, Mac DeMarco nous signale en réalité la traversée d’un véritable tourment. C’est, je crois, de cette façon qu’il a composé son album. Sous le vernis twee se cache en réalité l’anxiété des moments grisonnants. This Old Dog, qu’il disait…
Tracklist:
1. My Old Man
2. This Old Dog
3. Baby You’re Out
4. For the First Time
5. One Another
6. Still Beating
7. Sister
8. Dreams From Yesterday
9. A Wolf Who Wears Sheeps Clothes
10. One More Love Song
11. On the Level
12. Moonlight on the River
13. Watching Him Fade Away
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