LP Review : Dr Chan – Mental Dhead (Garage Rock)

Dr Chan est un groupe originaire de Paris sur lequel j’ai déjà eu l’occasion d’écrire quelques bafouilles (lien). Il avait notamment fait paraître un EP qui avait animé le début de l’année 2016. On se souvient particulièrement du titre “Abandon My Mind“, jangle pop déchainée pour les amateurs de Mike Krol. Et bien, bonne nouvelle, le groupe vient de sortir son premier album, chez nos amis de Black Totem Records (mais si, le label des Maximators…).
Avec Mental Dhead, Dr Chan nous envoie tout droit sur la North Brother Island, une île abandonnée où les fantômes du passé prennent rapidement des allures palpables. Mental Dhead, c’est l’histoire d’une rupture amoureuse et des complications qui s’en suivent : des troubles psychiatriques, un séjour en clinique du bien-être, l’égarement de soi. Point d’inquiétude, nul besoin toutefois de se munir de son DSM pour appréhender cet album, Dr Chan a prévu pour vous toute la panoplie de ce qu’un rock’n’roll efficace doit avoir : son lot mélodies imparables, quelques seringues, un son de guitare qui accroche, des cachetons bleu fluo, une voix parfois rageuse et deux ou trois instruments de torture. 
Tout commence avec “Sleepin Like A Horse“. Entendez la panique gronder, sa montée en puissance qui semble avoir pour égale la tension qui née des pas du tueur qui s’approche de sa victime blottie derrière le meuble. “Everyday It Starts” disait Parquet Courts. Dr Chan prouve qu’il faut surtout craindre l’état dans lequel on fini. Pour une introduction d’excellence, voilà… une introduction d’excellence. Dr. Chan fait déjà preuve de suffisamment d’inventivité pour nous captiver, loin des clichés de la scène garage sixties (dénoncés ici) qui semble trop calibrée. Il y a là un sentiment d’immédiateté que ces quasi 6 minutes font ressortir avec hâte. 
My Kind” est plus en dedans. On note toutefois une guitare graveleuse suffisamment présente pour nous arracher quelques déhanchés. Il y a en fait un son quasi jangle-pop que Dr Chan couple à une production mid-fi, c’est peu commun et très bien fait, mais certaines mélodies méritent plus d’amour. S’en suit “I Don’t Wanna Be A Ghost“. Ouais, mourir, ce n’est pas cool. Dr Chan laisse apparaître une partie de ce qu’il y a de meilleur dans cet album : un rythme qui emprunte au jazz. 
Mental Dead“, c’est LE hit de cet LP, celui dont on se souviendra. Disons-le clairement, ce titre brille justement par son rythme qui n’est pas sans rappeler le rock cathartique de Naomi Punk. C’est grand. Mental Dead explose de nombreuses fois, les accords détonnent à l’envie tels des pieux que l’on planterait dans nos ambitions rock’n’roll. Et puis, le titre gagne en intensité au fil des secondes pour atteindre un terrain peu piétiné par les autres formations. Les groupes de garage ont parfois pour défaut de vouloir constamment exploser le rock-o-mètre ce qui a pour effet de créer des titres trop uniformes parce que chaque seconde semble être destinée à pousser le volume 11. Dr Chan, à l’inverse, gère parfaitement la structure de ses morceaux de sorte qu’ils forment une expression artistique cohérente qui tape là où ça fait du mal bien, et surtout, quand il le faut. 

On repart sur plus de pop avec “Mental Head“. Le titre se démarque par son final un brin psychédélique, une aspiration que l’on trouve assez peu dans la musique de Dr Chan. Vient alors “Always Fun“, un titre qui rappelle son Ep Doom, sorte de pop pour les quelques fous qui trouvent qu’un hôpital psychiatrique, c’est un endroit super cool. Dr Chan disait que c’est “No Fun“, on appréciera le changement d’avis. “True” est dans la même perspective, Britney Spears semble avoir mangé du Jay Reatard au petit déjeuner.
Peut-être aurait-il ensuite fallu faire quelque chose d’autre de “Awful Time“. A ce stade, on est désormais persuadé que Dr Chan sait composer de très bons morceaux de pop, ce qu’il est sans conteste. Mais où est passé le dérangé qui ère toujours dans les couloirs de l’hôpital ? Arf, qu’importe après tout, ce son de guitare est trop bon pour y résister. Et puis, notons encore à quel point la section rythmique s’est améliorée au fil des sorties du groupe. 


Nitemare” nous donne enfin ce que l’on attendait depuis 3 ou 4 morceaux : de la baston. Ça cogne fort, nous revoilà en compagnie de Freddy Krueger à pourchasser les patients de cet institut dans lequel Dr Chan nous a enfermé. Entendez le son de la deuxième guitare, ne serait-ce pas la tronçonneuse qui nous sert d’accessoire ? Une chose est sure, c’est tout aussi strident que le cri de celle qui vient d’y passer. Dr Chan tombe dans une dernière phase instrumentale de haut vol. 
J’imagine déjà “Too Afraid To Go” résonner sur la scène du Point Ephémère. Ce titre a les qualités d’un petit hymne, du rock’n’roll pour foules semi-nombreuses. Et que dire de “Fxck The Clock” sinon qu’il est la meilleure création pop de cet LP. J’en connais beaucoup qui s’y essaient avec moins de réussite. Dr Chan conclut finalement sur “Eyes“, un titre plus noir que la plupart de ceux qui le précèdent. Voilà bien un curieux choix de maquette, mais après tout, why not. On retient la leçon que le docteur nous enseigne : tout est bien qui finit mal. 
Avec cet album, Dr Chan confirme tous les espoirs placés en lui. Ou peut-être les surpasse t’il. Mental Dhead est un album abouti sur de nombreux plans – mélodique, vocal, rock’n’roll et adrénaline -, c’est fort. Seulement, Dr Chan n’a pas osé l’album concept, les titres oscillent entre la noirceur de son thème et des productions plus pop. Il y a certes la traduction d’un ascenseur émotionnel que les accords de pop peuvent traduire par moment, mais peut-être aurai-je aimé plus d’indélicatesse. On en revient toujours au besoin d’expérimentalisme, celui de créer des morceaux qui dérangent, aussi. 
En réalité, chroniquer Dr Chan est particulièrement difficile pour la raison suivante : les titres pop qu’ils composent ont tous la qualité d’un hit, alors comment leur reprocher leur présence ? Seulement, Dr Chan n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se laisse aller à plus de morosité, une musique dark et dérangée. Et puis, la technique suit toujours, alors comment, dans le même temps, ne pas encourager plus de morceaux du calibre de “Mental Dead” ? Le dilemme est ainsi présenté. J’opterai personnellement pour la création de plusieurs albums thématiques, un très lugubre, l’autre très pop-nineties, pourquoi pas en double 33 tours de sorte que l’auditeur ait le temps d’intégrer l’un ou l’autre des univers proposés sans avoir à passer à autre chose, comme c’est parfois le cas avec Mental Dhead. M’enfin, lorsque l’on en arrive à ce genre de problématique si pointue, c’est déjà en dire beaucoup du niveau atteint.
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