Anachronique : Squeeze (Power Pop)

Squeeze est un groupe originaire de Londres formé en 1974. Il faudra attendre 1978 pour qu’il fasse paraître son premier album, U.K. Squeeze, et son histoire est peu commune. Signé chez A&M à la suite de la parution de son EP Packet of Three, Squeeze arrive en studio en companie de John Cale à la production, le célèbre membre des Velvet Underground. Ce dernier demandera au groupe d’oublier toutes ses créations composées jusqu’alors et d’en composer de nouvelles. À l’image de sa pochette, John Cale imposera au groupe d’en faire un album très sexuel pour se positionner sur le marché indépendant anglais. Ce sera un échec.
Il faudra ensuite attendre Cool for Cats pour réentendre parler de Squeeze, une petite année plus tard. Il sera suivi de Argybargy en 1981. Le groupe ne s’en contentera pas et fera paraître de nombreux albums, EPs, live et autres régalades. Il n’en demeure pas moins, comme souvent, que ses deux premiers albums sont ses meilleurs. En voici la chronique.
Cool for Cats s’ouvre sur “Slap & Tickle“, un titre nébuleux qui semble être tout droit venu de Saturne. C’est intrigant, mais les Squeeze ne bâtiront pas leur carrière sur ce genre de morceaux. “Revue” est déjà plus mélodique et on fonce sur “Touching Me, Touching You“, un titre aux allures punk qui fait honneur à son époque. Voilà une première démonstration de ce que le groupe était capable de produire, une musique (power) pop amusée et captivante. “It’s Not Cricket” perpétue ce bel élan avec 2 minutes plus burlesques et voilà que “It’s So Dirty” refait dans la pop eighties 1000% entraînante. À ce stade, on croirait entendre un titre d’Elvis Costello, une impression qui reviendra souvent.
Mais ne nous mentons pas, quasiment tout l’intérêt de ce premier album du groupe résulte dans “Up the Junction“. Ce morceau de jangle pop a tout pour lui, de la romance, un rythme imparable, une allure eigties-analogique à faire fondre les cœurs nostalgiques et un refrain à inscrire parmi les chefs-d’œuvre de la pop. La fin de l’album contient de ces quelques secondes intéressantes, je pense à “Slightly Drunk” et “Cool for Cats“, deux morceaux que l’on aurait bien vu en bande-son de Bill & Ted’s Excellent Adventure. Les Squeeze prouvent avec cet album qu’ils sont capables de délivrer des textes vivifiants et humoristiques, loin des clichés sexuels que son premier producteur avait voulu lui imposer.
Argybargy est un meilleur album que le premier, celui qui fera dire à la presse que Squeeze était le nouveau Lennon / McCartney. La production y est bien mieux faite (c’est pourtant toujours John Wood qui s’y colle, lui qui a travaillé avec John Cale, Bert Jansch, Nick Drake, Nico et j’en passe) et le groupe semble avoir accepté l’idée que la musique pop nécessitait bien souvent un songwriting imparable. “Pulling Mussels (From The Shell)“, le premier titre, en est surement le meilleur exemple. Si on s’est encore rapproché de l’univers d’Elvis Costello, Squeeze n’en demeure pas moins intéressant. Ce titre est terriblement bien fait, en avance sur la new wave de son temps. On sent les arrangements de l’époque revenir à grands pas, le piano en première ligne, ce qui rajoute à son côté vintage. “Another Nail In My Heart“, le second, est probablement plus classique, mais il fait le travail. La guitare à l’entrée de la deuxième minute y est pour beaucoup.
Avec “Separate Beds“, Squeeze reprend le grand thème de l’époque : l’amouuuur. Cette fois-ci, il doit dormir sur le canapé, parce que la belle-mère n’est pas contente. Les couplets sont inventifs et propres à ce que le groupe pouvait faire de mieux. Il la regarde par la fenêtre, seule dans son lit… oh, nous voilà tout attendris. Il y a ensuite un ventre mou sur cet album qui vient ralentir un peu notre entrain. Il faut attendre “Vicky Verky” pour que ça reparte, “Wrong Side Of The Moon” pour une déclaration à la country et “There At The Top” pour encore plus de eighties.

Les albums de Squeeze sont inégaux, mais parfois géniaux. Voilà ce qu’il ressort d’une écoute prolongée du groupe. Squeeze avait en lui tout le DNA de son époque, avec ses synthés, ses mélodies à rallonge et ses textes sur le grand amour adolescent. Squeeze a pour lui d’avoir réussi à se sortir des griffes de John Cale et des labels qui voulaient en faire un “groupe d’homosexuels pour les homosexuels”, ou quelque chose comme ça.Côté influence, on notera toute la scène new wave qui n’a pas possiblement pu passer outre le phénomène Squeeze. Et puis, les artistes de jangle pop à tendance power pop lui doivent également quelques verres. En fait, Squeeze pourrait être porté comme symbole de l’anti-Blank Generation. Avoir refusé l’étiquette avec laquelle on lui promettait le succès, il a décidé de son propre chemin, celui d’une pop pre-New Wave amusée. C’est ainsi qu’il aura trouvé le succès, loin des circuits préfabriqués des producteurs de l’époque. Et rien que pour (et pour “Up The Junction“, tout de même), bravo éternel !

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