La scène australienne des années 2010s

Une ôde à la musique australienne


Les Australiens sont-ils en train de buter les autres scènes musicales ? La question doit être posée. Je le disais récemment, le

Mortal Kombat organisé par Still in Rock a vu 16 groupes s’entre-tuer, mais un autre combat a animé les années 2010s : Etats-Unis vs. Australie. De façon grossière, on pourrait le résumer ainsi : garage vs. slacker, puissance vs. psychédélisme, coolness vs. débilité. Et pour cause. Le contexte australien semble être parfaitement calibré. Il est, plus que les autres, propice à l’apparition de groupes D.I.Y. dont les morceaux ont le pouvoir de convertir quiconque veut bien y consacrer plus d’une minute à un mode de vie cheesy, fait de plages ensoleillées, de faux boobs et de choses psychédéliques. Faisons l’état des lieux (incomplet). 




Dans la famille psychédélique, il y a bien entendu King Gizzard & The Lizard Wizard, un sommet inégalé dans l’histoire du psych rock. Il faut également citer les Babe Rainbow, groupe originaire de Byron Bay qui a fait paraître deux excellents albums de bedroom pop psychée à la fin des années 2010s. The Vacant Smiles a une approche quelque peu différente : il fait le pari que la pop psychédélique n’est jamais aussi bien mariée qu’avec du slacker. ORB, lui, a pour mission de décoller les tympans en alliant stoner avec phases psychedelico-expérimentales. D’autres groupes gravitent autour de ces derniers, je pense à White BleachesStone Witches. Et puis, il y a les vieux de vieille, Tame Impala et Pond, à l’époque où ils étaient encore dans le coup.

Dans la famille slacker, on trouve bien entendu The Chats, symbole même du mouvement. On ne saurait oublier le citer Dune Rats et son apologie du 6 packs tant il a été le groupe le plus constant en la matière. Skegss, était parti très fort, mais il est devenu mielleux. Ce n’est pas grave, la relève est assurée avec Tony Dork, mon préféré parmi tous. Il y a aussi les Pist Idiots, qui n’ont jamais démordu de leur musique BBQ, et puis, Lunatics On PogosticksNun of the TongueDumbleachers, White LodgeDrunk Mums (pour lequel je m’attendais à mieux), Chillers, StorkLos Scallywaggs. J’y ajoute Amyl and the Sniffers avec leur slacker-redneck (voir l’article sur le sujet) et Neighbourhood Void avec son college nineties. 
Il y a aussi la magnifique famille post-skate. L’Australie est le leader incontesté en la matière. Ça commence bien entendu avec Aborted Tortoise, auteur de deux albums à faire tomber tous les surfeurs de leurs styles nonchalants. Il y a aussi The Shifters qui a été parmi les premiers à dénoncer le way of life 2010s, et puis, Pinch Points qui a assomé 2019. Je ne saurai oublier de citer mes chouchous, Thigh Master, qui ont pris une longueur d’avance sur tout le monde en 2016 à l’occasion de la sortie de Early Times.

Enfin, il y a la famille pop, celle de Vacations, de Wax Cactus, Le Pine, The Good Sports, James X. Boyd & The Boydoids, Dennis Cometti, Cosmic Vibrations. Elle tire souvent sur du surf, dans un style apathique. Elle est sympathique, mais probablement pas essentielle.



Les limites australiennes

Bien que la scène australienne semble être plus fournie que jamais, je me questionne par ailleurs sur ses limites. Loin de moi l’envie de coller une seule et même étiquette à tous les groupes précités, l’objectif de Still in Rock est bien au contraire de célébrer les variations de la scène rock indépendante. Seulement, force est de constater que les Australiens écrassent bien souvent les autres scènes lorsqu’ils font dans la chose débile, gorgée de soleil, alcoolisée, bref, lorsqu’ils font honneur à la maxime de Lester Bangs et célèbrent le rock’n’roll comme “the most invincible Superjoke in history”. Lorsqu’il s’agit en revanche de faire apparaître des nuances de gris et de noir, d’avouer ses tourments, les Australiens me semblent souvent manquer le coche. Non pas qu’ils ne produisent pas autre chose que de la pop pour adolescente prébuaire, mais j’y cherche toujours l’ambiance inquiétante et presque malsaine qu’il y a, par exemple, chez Gash, Slint, Polvo, Sonic Youth et autres formations du genre. 

La scène punk australienne est, je crois, un bon exemple de cette limite. Parce que les artistes australiens ont une tendance cheesy, le punk qu’ils produisent se transforme rapidement en slacker. Pour ce qui est à l’inverse des groupes punk dans la tradition anglaise, celles des types énervés et dangereux, on trouve Gee Tee,DraggsResearch Reactor Corp.Gonzo, et Brad Pot, mais le réservoir est globalement peu rempli. Force est de constater que les autres familles musicales australiennes sont bien mieux représentées.

OK, peut-être n’est-ce jamais que le résultat d’un biais de confirmation. L’image que j’ai des Australiens, c’est celle d’un peuple obsédé par les plages, le skate, le SURF, bref, un peuple qui exulte à chaque instant. Il n’y a pas que ça, certes, mais il y a ça. Après tout, son histoire est lié à la colonisation européenne du 17ème, lorsque les pays du vieux continent ont envoyé leurs truands et autres idiots du village pour aller peupler cette terre que l’on pensait maudite. Ils fallait donc bien qu’ils se construisent une société du pardon. En découle une lecture de la scène australienne parfaitement tronquée, mais je ne parviens pas à m’en défaire. Peut-être suis-je ainsi dans l’errance la plus totale. C’est une hypothèse. 


L’autre hypothèse, c’est que la musique est effectivement une affaire de contexte, et que le contexte australien ne pousse pas aux nuances de la scène nord-américaine. Le punk n’est jamais aussi bon que sous la répression politique, c’est bien que le climat dans lequel baignent les artistes a quelque chose à voir avec leurs créations. À ce titre, la parabole des deux poissons me vient imanquablement à l’esprit. Ils nagent, et l’un dit à l’autre : “elle est bonne l’eau aujourd’hui, tu trouves pas ?”. L’autre de répondre : “l’eau ? C’est quoi ça ?”. La culture d’un pays, c’est l’eau des artistes qui s’y trouvent. Or, force est de constater que les Autraliens forment un peuple opulent. La logique veut donc qu’ils abandonnent les luttes idéologiques aux autres, qu’ils rejettent le négatif au profit d’un idéal cheesy. Et ainsi va la scène australienne, orientée vers une seule et même direction : la jouissance éternelle.



Playlists australiennes


Parce qu’il y en a marre des théories fumeuses, et parce que j’aime mes amis australiens, l’heure est désormais venue à écouter un peu de musique, par genre.



Psyché australien des années 2010s :


King Gizzard & The Lizard Wizard – Billabong Valley
Babe Rainbow – The Magician
The Vacant Smiles – Messin’ Around
Tame Impala – Desire Be Desire Go
Pond – Eye Pattern Blindness
ORB – Rainbows End
Stone Witches – Fuzz Buzzard
White Bleaches – Mystery Child

Slacker australien des années 2010s :


The Chats – Bus Money
Dune Rats – Scott Green
Tony Dork – A.D.D.
Dumbleachers – Nothing
Pist Idiots – Ticker
Chillers – Vampire
Lunatics On Pogosticks – PCP
Nun of the Tongue – Blood
Skeggs – Couch Party
White Lodge – Trippin’ On The Vanilla Trail
Drunk Mums – Blitz
Stork – Dark Shadows
Los Scallywaggs – White Face
Neighbourhood Void – All Strung Out

Post-skate australien des années 2010s 


Aborted Tortoise – Do Not Resuscitate
The Shifters – Work: Life, Gym etc.
Pinch Points – Ouch!!
Thigh Master – Company


Punk australien des années 2010s :


Amyl and the Sniffers – Cup Of Destiny
Gonzo – Metal Liquor
Gee Tee – Hot Rod Juice
Draggs – Edible Spore
Research Reactor Corp. – Bizniz World
Brad Pot – Acid


Pop australienne des années 2010s :


Vacations – Relax
Wax Cactus – Loose Tooth
Le Pine – Sofa Surfer
The Good Sports – No Sleep Pt. 2
James X. Boyd & The Boydoids – Paul K.
Dennis Cometti – Footy With The Boys
Cosmic Vibrations – Taken Away

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EGALEMENT DISPONIBLE à :

(plusieurs titres manquent toutefois à l’appel, la faute au catalogue Spotify…)

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