Real Estate : the whitest band in America

Real Estate est un groupe originaire du New Jersey sur lequel j’ai déjà eu l’occasion d’écrire à de nombreuses reprises – beaucoup de bien, mais aussi, un peu de moins bien… Souvent présenté comme étant l’une des figures les plus emblématiques de la scène pop indépendante, il vient de faire paraître un 4ème album (via Domino) qui coupe un brin avec son passé.
Je sais bien que cet album de Real Estate a été décrié par une partie de la critique. Il faut dire qu’il est moins breeze pop – et plus “indie”. Le pari était risqué tant on aimait justement ce petit vent d’air frais dans sa musique d’antan. En réalité, si je persiste à croire que l’album Atlas restera longtemps comme étant son meilleur LP, In Mind a pour lui de nombreuses qualités qui doivent être relevées.

Je note que les albums de Real Estate se sont toujours distingués à travers deux qualités principales : une maitrise mélodique inimitée ET leur capacité à traduire une certaine insouciance qui semble être imperméable au monde extérieur. Sans jamais trop en faire, sans jamais tomber dans le cliché du groupe de pop trop prétentieux, Real Estate vogue au fil des albums à la recherche de la chanson pop absolue, certaines ayant été trouvées sur Atlas. Et l’on retrouve cette même ambition sur In Mind. Le groupe s’y prend différemment, la production est un brin plus poussée et le rythme s’accélère souvent, mais Real Estate n’en demeure pas moins très… Real Estate-ish

Le groupe a en effet toujours adoré les clichés et In Mind ne déroge pas à la règle. Twee parmi les twee, le groupe vise une partie de la scène plutôt aisée qui peut se permettre de passer ses dimanches à pavaner dans les parcs de New York, de Paris ou de Londres. Une fois cela dit, force est de constater que Real Estate maitrise ce style de musique mieux que personne, mais je vais y revenir.



Darling” est le premier single de cet LP, aussi l’un des meilleurs morceaux. Sa longue introduction, entre rupture et tradition, est un petit modèle du genre, de quoi mettre K.O. les Allah Las & compagnie… “Serve The Song” – outre le fait que ça ne veuille rien dire – est un pas de plus dans ce Real Estate plus flashy. Et ce sont finalement les morceaux comme “Stained Glass” qui surprennent le plus aux premières écoutes de cet album. Les arpèges qui animent son refrain nous rappellent ses débuts mais voyons-y simplement un petit rappel de ce que le groupe voulait traduire par le passé.
Et Real Estate reprend ses thèmes habituels sur “After The Moon“, la lune, le soleil, l’art, le vent, tout ça fait finalement très twee, mais le groupe le fait si bien que l’on se laisse prendre au jeu. “Two Arrows” confirme la tendance de cet LP : une attention particulière a été portée sur la voix, plus encore que sur les précédents albums. Je note à quel point la ressemblance avec le morceau intitulé “Moonlight On The River” de Mac DeMarco est en tout point flagrante.

White Light” introduit la deuxième face de cet LP dans une bonne humeur dégoulinante de liberty. “Holding Pattern” – qui ne se prive pas de faire référence à… la pluie… – est assez saccadé. “Time” contraste et vient renforcer le côté vaporeux de cet album. Real Estate se détache un peu des sonorités strictement analogiques, mais il le fait bien. 

Vient alors “Diamond Eyes“, l’une des grandes réussites de cet album. Real Estate ne nous avait pas habitués à des ballades folk du style hippie champêtre qui va bruncher avec ses amis. Plus sérieusement, ces brefs élans de country à la J.J. Cale vont très bien à Real Estate. Et puis, on y trouverait presque du Woods.
Une fois encore, si la démarche de Real Estate a quelque peu évolué, les thèmes sont similaires et l’on se retrouve logiquement à commenter le soleil de “Same Sun“. Entre cliché et tradition, Real Estate sait comment s’y prendre pour nous faire croire à un monde fleurit. “Saturday” clôt la marche. Une fois la -trop- longue introduction consommée, Real Estate délivre l’une de ses plus belles créations, mettant un pied dans la musique psychédélique qui lui était jusqu’alors étrangère.

Au final, In Mind n’est certes pas du calibre de l’album Atlas, mais il n’en demeure pas moins l’une des pièces pop les plus intéressantes de l’année 2017. 
A ce stade, Real Estate pourrait bien le voler le titre de Whitest band in America à Vampire Weekend. Je me souviens d’avoir questionné le groupe au sujet de la gentrification de Brooklyn, là où il vit, et il n’avait pas mâché ses mots. La musique toujours très propre de Real Estate, son look d’étudiant de Columbia University et ses thèmes insouciants en font incontestablement un produit de son temps. Il serait mal venu de cracher sur cette partie de la scène musicale et de venir se cacher derrière sa lorgnette de punk aux cheveux gominés. Si nous sommes là à parler de sa musique, c’est bien que l’on s’y retrouve un peu aussi.

(mp3) Real Estate – Darling
(mp3) Real Estate – Saturday

Tracklist:
1. Darling
2. Serve The Song
3. Stained Glass
4. After The Moon
5. Two Arrows
6. White Light
7. Holding Pattern
8. Time
9. Diamond Eyes
10. Same Sun
11. Saturday

Liens :
Article sur Atlas
Article sur pires noms de groupe

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