Je trainais un peu sur le web il y a quelques jours de ça et je voyais que l’on décrivait encore CFM comme étant “un collaborateur de Ty Segall“. L’heure est venue, je crois, de ne plus utiliser ce bref descriptif. Un nom propre doit être reconnu à CFM, et pour cause, Charles Moothart vient de faire paraître un excellent deuxième album, Dichotomy Desaturated, qui fait suite à Still Life of Citrus and Slime (LP) et Homegrown Paranoia (EP), tous deux parus sur In The Red et tous deux très bons.
Avant d’entrer plus en détail dans ce que contient de cet LP, je voudrai confesser toujours avoir eu une certaine incompréhension pour les mecs qui se passionnant pour le matériel musical. Nombre des plus grands albums de l’histoire ont été composés avec ce qu’il y a de plus basique en la matière et je reste convaincu que cet attrait pour les “gears” reste un moyen de compenser quelques faiblesses en matière de composition / exécution. Seulement, certains artistes donnent sens à cet amour du bon matos’ et c’est assurément le cas de CFM, ce que nous allons démontrer.
“Dichotomy“, le premier morceau, est exclusivement acoustique, ce qui dénote d’entrée avec les créations de Still Life of Citrus and Slime. Notons toutefois que le propre de CFM est d’aller chercher l’expérimentalisme qui manque à 99% de la scène, surtout de la scène garage/stoner qui se fixe souvent comme seul objectif de cogner fort. Il est, en cela, fort bien réussi.
“Pinch the Dream” semble poursuivre dans un style similaire, c’est du moins ce que laisse penser l’introduction. Et puis, Charles Moothart délivre enfin la guitare stoner que l’on attend – tout de même ! La production y est très crue, la voix de Charles semble être sans aucun effet ce qui rajoute en intensité et en proximité. Vient ensuite le premier refrain pop et l’on se souvient que le premier album de CFM était effectivement mélodieux, parfois.
“Lethal Look“, comme son nom l’indique, ne pouvait échapper à un son plus noir encore. Si la première moitié n’est pas franchement surprenante, on avait du mal à venir arriver la deuxième phase qui est plus psychée encore. Ne nous y trompons pas, CFM maitrise le stoner sur le bout des doigts, mais il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il ose aller là où les autres ne vont pas, Ty Segall compris.
Le même constat vaut pour “Rise and Fall“. Moothart semble vouloir délivrer des premières phases bien maitrisées comme pour planter le décor qu’il prend un malin plaisir à saccager par la suite. La seconde moitié de “Rise and Fall” est le premier TRÈS grand moment de Dichotomy Desaturated. “Saline / The Man / Kind To You” vient alors conclure la première face de cet LP. L’approche bien plus Black Sabbath de ce morceau tend à nous tenir en haleine. On comprend tout l’intérêt de la démarche lorsque vient “The Man“, passage le plus garage de tout l’album. Le troisième temps est d’une puissance telle que je crois que l’on touche là à ce qui se fait de meilleur en matière de stoner/garage/tout-ce-que-tu-veux.
“Voyeurs“, le premier titre de cette face B, cogne fort à travers une batterie dont la sécheresse rappelle le premier LP. Le son est un poil moins fourni, le cabinet des curiosités revient à la charge avec ce morceau qui s’illustre à de nombreuses reprises sans trop décoller. Vient alors “The Set Up” qui n’est pas le remix du titre de NAS mais une nouvelle émanation stoner qui prouve que CFM a assurément gagné en intensité.
“Desaturated“, c’est l’introduction de “Chasing A Bee” de Mercury Rev. Le reste est du même calibre que “Voyeurs“, CFM reprend la formule de son premier LP, distribuant des sonorités dissonantes par-ci par-là et formant ainsi un tout à la façon d’une oeuvre d’art moderne. C’était la démarche qui l’avait différencié de Fuzz, il est donc logique qu’il y revienne, mais il trouve une nouvelle parade sur “Dead Weight” et je crois que l’on se situe encore un cran au-dessus. Ce morceau n’est pas un titre de Fuzz parce ce qu’il ne boude pas un peu de pop. CFM y ajoute de multiples apartés dans deux minutes conclusives qui marquent d’ores et déjà 2017 ! Sortez vos carnets dans lesquels vous listez vos lubies et les meilleurs titres de stoner de la décennie, celui-ci mérite de truster vos pages vierges ! Débrancher enfin tous vos sondeurs et détruisez les défibrillateurs, “Message From the Mirror” est là pour vous rappeler ce pourquoi vous êtes en vie. On en pleurerait de douleur.
Au final, CFM a construit son album de sorte que l’on résiste parfaitement à son écoute, ce qui n’est pas le cas de tous les albums stoner chroniqués sur Still in Rock dont certains imposent un break à mi-parcours. On doit cela aux morceaux 6/7/8 qui, sous leur apparence de gentils garçons un peu en dedans, ont en réalité une utilité dont le caractère indispensable ne saurait être contesté. La construction de cet album est parfaite, des claques introductives jusqu’au ventre expérimental qui nous conduit finalement à l’explosion d’un final qui marquera tous ceux qui savent reconnaitre en Fuzz le statut de sauveur. Plus que jamais, CFM mérite qu’on le nomme et qu’on l’érige en –ish, trop de groupes feront du CFM-ish dans les années à venir pour s’en priver.
(mp3) CFM – Saline / The Man / Kind To You
(mp3) CFM – Message From the Mirror
Tracklist:
1. Dichotomy
2. Pinch the Dream
3. Lethal Look
4. Rise and Fall
5. Saline / The Man / Kind To You
6. Voyeurs
7. The Seth Up
8. Desaturated
9. Dead Weight
10. Message From the Mirror
Liens :
Article sur le premier album de CFM
Interview Still in Rock avec In The Red Recordings
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