Aggravator, c’est un album mythique des années 1990s. Sorti quelques mois après Slanted & Enchanted, il a particulièrement marqué la décennie avec un son crunchy-grungy-cequetuveuxen-y qui, plus tard, aura donné lieu aux dizaines de groupes de la scène de Chapel Hill. Il était nerveux, nonchalant et flâneur, grunge quand il fallait l’être. C’était donc avec une impatience non contenue que l’on attendait Aggravator II – le retour d’Aggravator. Il est le fait de T-Shirt, un groupe originaire de Lyon, WA (98104).

Les membres de T-Shirt se sont rencontrés à WSU – Washington State University – lors d’un cours de fuzz. Ils ont fait paraître un EP en novembre 2016 et ils reviennent avec un premier LP via Influenza Records / S.K Records, le biennommé Aggravator II. Ils remercient Guided by Voices dans leur description Bandcamp, ils se revendiquent de l’héritage de Polvo et ils sont potes avec Johnny Mafia. Ça, c’est pour la bio non-officielle. Mais si l’on doit en parler plus sérieusement, on doit dire qu’il fait une nouvelle fête de l’héritage nineties, qu’Aggravator I n’existe pas, qu’il ne s’est pas vraiment formé aux “States” mais qu’il écrase néanmoins le terme revival pour y substituer un bon gros “vival“.

Je parle souvent de Reality Bites sur Still in Rock, mais je vais vous raconter l’histoire du film pour la première fois – quand bien même vous l’avez déjà vu. Elle est belle, créative et un peu grungy. Elle veut réussir. Il (numéro #1) est super grungy, slacker sur les bords et super beau. L’autre il (numéro #2) est successful, super sympa mais pas grungy. Alors, elle hésite. Au début, elle est amoureuse de #1, mais il fait son difficile. Alors, elle essaie un peu #2 et c’est alors que #1 se dit qu’il l’a voudrait bien. Elle alterne (normal), elle se retrouve seule (normal) et, lorsque #1 devient sympa comme #2, elle le choisit enfin (normal).


Dates and Numbers“, c’est la bande-son qui aurait fallu à ce film. Et ce n’est pas faute d’être sacrément bien dotée, voyez plutôt : Dinosaur Jr., Juliana Hatfield, The Posies et même du Winona Ryder. Seulement, T-shirt joue mieux l’hésitation de la Génération G (grunge) que personne. Il n’est pas grunge, pourtant (comme Pavement, voyez). Quant à Hyper“, c’est le genre de titre qui ferait s’hérisser les poils de Paul Collins (The Nerves & The Beat) qui me disait dans notre interview : “N’oublie pas que j’ai vécu pendant les années 90. À cette époque, personne n’écoutait ce genre de musique, le grunge occupait toute la place. Aujourd’hui, les choses vont mieux, de nombreux sous-genres parviennent à exister à nouveau. Les années 90 étaient la pire période de ma vie, je ne pouvais rien faire“. Hyper” n’en demeure pas moins la première claque de cet album.
Je ne sais pas si c’est fait exprès – et je pense même que ça ne l’est pas – mais la voix incertaine de Sloane (On the Attack)” fait des merveilles, parce qu’elle vient justement nous dire que derrière le cynisme nineties se cache la jeunesse USA qui doute de vouloir de l’American Dream. Et sur Hellsender“, Léa vient nous dire que rien n’est plus beau qu’une fille qui porte des jeans déchirés en se plaignant de son quotidien pre-yuppie – ou peut-être est-ce l’inverse. Eyetooth” vient clore la première face de cet album sur les touches Superchunk Superaw dans lesquelles on aime prendre notre bain quotidien.

Ride” donne un nouvel élan à l’Aggravator, il recentre les paroles sur un sujet plus personnel. Je ne suis pas certain de l’intérêt de le placer dans le corps de cet album, parce qu’il peut rapidement faire office de ventre mou, mais si on considère en couple avec le titre qui suit, on se rend rapidement compte qu’il ne fait jamais que renforcer le côté dreamy de cet album. Metal“, c’est les allures vocales d’Elliott Smith et l’intru’ de Slint, parce que cathartique. Peut-être est-ce là, également que l’on peut y attendre son adoration pour Today’s Active Lifestyles. Est-il toutefois un brin trop court (T-Short ?!). Son aspect noisy vient faire de Metal” une plongée dans la factory de Seattle, un jour pluvieux, tandis que le groupe se balance lentement de gauche à droite en jouant de sa guitare qu’il a ajustée au niveau de ses genoux. Et Triton” participe au recentrage de l’album sur les interrogations du groupe. 

T-Shirt vient alors faire ce qu’il pouvait de mieux. 
Parce qu’on approche de la fin, Heaven in Vain” nous assomme avec ses airs de hit absolu, nous donnant une ultime raison de rester en vie quelques jours de plus. Le groupe délivre le meilleur de ce que la décennie 90s peut en matière de rock indépendant, du Further qui rencontre Lotion ! Le point final est donné sur Murkier“. Finalement, elle a tué #2 pour être certain de profiter de son bonheur avec #1. Elle est égoiste, et elle fait bien.


(port de la chemise autorisé pour t-shirt ?)

Au final, Aggravator 2 est un indispensable pour qui : aime les nineties / est resté bloqué dans les nineties / a des posters de Winona Rider / a un jour affirmé que le cool était mort en 1997. Les années 2010s se caractériseront, outre le mouvement slacker, par certains des meilleurs albums 1990s (huh?). Je pense à Slip Away (Total Slacker), The Hood (Th Da Freak) et cet album de T-Shirt. Cela peut paraître curieux, mais T-Shirt participe de butter l’élément temporel qui est si apprécié des “critiques”. Ne parlons pas d’influences ici, T-Shirt est un groupe pionnier qui est simplement plongé dans la mauvaise décennie.


TracklistAggravator 2 (LP, Influenza Records / S.K Records, 2018)
1. Dates and Numbers
2. Hyper
3. Sloane (On the Attack)
4. Hellsender
5. Eyetooth
6. Ride
7. Metal
8. Triton
9. Heaven in Vain
10. Murkier

Liens :
Article sur Slip Away, ALBUM MAJEUR

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