Daniel Johnston, à en pleurer



Daniel Johnston est mort, un mercredi 11 septembre 2019. C’est à en pleurer.

Je me souviens avec émotion du jour où j’ai appris la mort de Tom Petty. C’était inconcevable, Tom était un ange venu sur terre, rien de mauvais ne pouvait jamais lui arriver. J’étais énervé après tous ceux qui multipliaient les RIP philosophiques, comme si la mort n’était rien, ceux qui disaient qu’il était en route pour un paradis où il allait jammer avec d’autres légendes. Bullshit, il venait simplement de tomber dans le néant.
Ce que j’ai ressenti mercredi dernier à l’annonce de la mort de Daniel Johnston est un peu différent. Sa musique n’avait pas la même lueur que celle de Tom Petty, et pour cela, sa disparition semble s’inscrire dans une continuité plutôt qu’une rupture. Daniel était malade depuis plusieurs années, aussi, tandis que Tom était en pleine tournée. Seulement, Daniel Johnston incarnait ses faiblesses, il composait une musique triste parce qu’il l’était, il se montrait sur scène avec ses tremblements et une schizophrénie apparente. C’est ce mélange de bravoure et de fragilité qui m’a toujours bouleversé. Avec sa mort, son épuisement en a fini de prendre le dessus ; c’était inexorable, mais je voulais croire au miracle.
Alors voilà. Il est parti, nous laissant avec sa musique et ses dessins. Il sera de bon ton de déplorer sa mort pendant les quarante-huit heures conventionnelles, et puis, life will go on. Bullshit, encore bullshit ! Si l’on oublie trop facilement la mort de ceux que l’on ne connait pas vraiment, et que l’on rumine celle de nos proches, je veux dire ici à quel point Daniel faisait partie de notre famille. Aucun artiste ne s’est jamais montré à moi comme Daniel le faisait. Daniel n’a jamais était cynique, ou ironique, ou moqueur, il n’a jamais fait usage de la moindre posture. Il était transparent ; ce qui ne faisait jamais que mettre en lumière toute (sa) ses complexités. De fait, les lâches qui le connaissaient et qui ne penseront plus à lui dans quelques jours, ou quelques semaines, ou quelques mois, mériteront la froideur de ceux qui sont incapables d’autre chose que d’eux-mêmes. On ne peut pas oublier ceux qui touchent à notre condition sans mériter son lot d’insultes. Quoi, chacun devrait être libre de ses émotions ? Bullshit, on est plus libre de rien.
Pour le reste, nous voilà donc privés de Daniel. La charge nous revient à présent de l’expliquer, puisqu’il ne peut plus le faire. Peut-être, si je devais m’y atteler, commencerai-je par décrire Daniel comme un poète, un mot devenu vide de sens mais que Daniel (re)définissait. Avec lui, on était loin de ces poètes troubadours qui jouent aux artistes maudits à la Bob Dylan, loin, aussi, de ces poètes de la déchéance qui se pensent tout permis parce qu’ils croient être touchés par la grâce, comme Bukowski, loin, enfin, de ces poètes de la Beat Generation qui voulaient transformer la littérature. Daniel, c’était un poète juvénile, capable d’écrire des morceaux comme le ferait un enfant de 8 ans, s’il avait les mots. Daniel n’a jamais connu la transformation que tous les adultes connaissent. Il est resté proche de ses premières intuitions, sans jamais prendre de recul.
De cette enfance éternelle découle l’absoluité de Daniel Johnston. Il ne cachait rien, et finalement, malgré les tumultes, les pleurs, les chagrins et les espoirs irréalisables, demeurait l’optimisme d’un être nouveau. Pour cette raison, Daniel aimait conclure ses concerts sur “True Love Will Find You In The End“, une continuité de son album Don’t Be Scared. Aujourd’hui, une infinie tristesse me domine, mais je ferai au mieux pour trouver un peu de réconfort là où il le faut.

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