Anachronique : The Cramps (Psychobilly)

The Cramps, c’est avant tout une rencontre, celle de Lux Interior et Poison Ivy, le jour où le premier a pris la seconde en auto-stop. Bryan Gregory se joindra rapidement à eux, collègue de Lux Interior dans un magasin de vinyles. Et puis, la sœur de Lux, Pamela, qui ne savait pourtant pas jouer de la batterie, viendra vite renforcer les rangs. Cette dernière (re)partira rapidement et sera remplacée de nombreuses fois. Les débuts des Cramps seront chaotiques, des lives où les guitares n’étaient pas accordées (au CBGB), des départs tumultueux… Et puis, les Ramones les soutiendront, ce qui aboutira à la parution d’un album en 1980, Songs the Lord Taught Us, produit par ni plus ni moins que l’immense, le génial, le fabuleux Alex Chilton. C’est alors que Kid Congo Powers, l’ancien guitariste du Gun Club, rejoindra le groupe à son tour.
Les Cramps, c’est du Psychobilly, ce drôle de mélange entre du rockabilly, un peu de Punk version ’77 et beaucoup de trash façon série B. Mais avant tout, les Cramps, c’est du rock’n’roll, une expérience. Lux Interior le disait lui même, le rock’n’roll est une urgence, une sorte de folk musique fondée sur le blues, exactement ce qu’est celle des Cramps. La musique des Cramps en devient presque un mode de vie, celui du trash, celui de l’exubérance, celui du no-limit. Les Cramps, c’est aussi le sexe dans la musique. Cette musique qui explique à quel point le rock’n’roll est un art sexué. Et puis, les Cramps, c’était deux leaders charismatiques, un homme et une femme. Ils avaient l’art de la provocation en eux, l’un avec ses pantalons en cuir moulants, l’autre avec ses robes en dentelles. Les deux formaient l’un des couples les plus provocateurs de la scène.
Songs the Lord Taught Us s’introduit sur la marche militaire de “TV Set“. On y comprend bien quel est tout le paradoxe des Cramps, un esprit punk dans un style à la Elvis. Le rockabilly, le garage punk et le psychédélisme, tout est déjà là. Le zombie de Buddy Holly fait son apparition sur “Rock on the Moon“. Et puis, le Psychobilly des Cramps connait son heure de gloire avec “I Was a Teenage Werewolf“. Dans une version plus temporisée, le groupe parvient à canaliser sa folle énergie pour la mettre au service d’un titre grandiose. Une fois de plus, la batterie y est très minimale, ce qui ne manque pas de rajouter à l’effet brut de ce morceau. Et puis, le refrain, façon Dick Dale désincarné, a de quoi faire danser sur la tombe de ce bon vieux Chuck Berry. “Zombie Dance” transmet indéniablement la même envie.

Les Cramps donnent dans le psychédélisme avec “Sunglasses After Dark“. Le titre est également plus Punk que les précédents. C’est un autre paradoxe de la musique des Cramps. Un “The Mad Daddy” plus loin arrive “Mystery Plane“, à mon sens l’un des quatre ou cinq grands morceaux de cet opus. “What’s Behind the Mask“, la question que l’on se posera toujours à l’égard de Lux Interior, vient ensuite remuer plusieurs de nos neurones. “I’m Cramped” (hello Druggy Pizza) est un énième hit de cet album. J’en profite pour rappeler que si les Cramps ont choisi ce nom, c’est avant tout parce qu’il évoque une douleur vive et intense. “I’m Cramped” la rappelle à nous avec un plaisir comme légèrement masochiste. On conclut finalement avec “Tear It Up“, l’ultime combinaison des dépouilles d’Elvis et Dick. On s’arrête avec “Fever“, une superbe reprise du titre originalement composé par Eddie Cooley et John Davenport.
Cette fois-ci, je n’aurai pas de mal à démontrer l’influence du groupe (ana)chroniqué sur la scène actuelle. La combinaison du gore et du rock’n’roll se porte bien, Nobunny et compères se chargent chaque jour de nous le rappeler. Les White Stripes et autre Jon Spencer s’en réclament également. Et puis, les Cramps avaient à cœur de sexualiser le rock’n’roll, rappeler le côté primaire d’une musique qui tape fort. Pari réussi, le débat sur la place du sexe dans la musique n’en finit pas de faire rage (voir, par exemple, l’existence de She Shreds Magazine, espace dédiée aux seules guitaristes féminines).Bien entendu, la discographie des Cramps est extrêmement riche, et il serait criminel de s’en arrêter à Songs the Lord Taught Us. Mais le criminel était de l’ADN des Cramps, et à devoir commencer (continuer et finir) avec les Cramps, autant se porter vers leur meilleure création, la plus authentique, celle qui demeure la plus brutale de toutes. La ‘Bad Music for Bad People‘ des Cramps y brille de mille feux.

Liens afférents :

 

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *