Etude chiffrée sur la scène garage rock



Je crois qu’il n’est un secret pour aucun lecteur Still in Rock que mon obsession pour la scène garage (au sens large) m’a poussé à consacrer plus de la moitié de mes publications à cette dernière. Elle m’obsède, elle me définit. Pas plus tard que la semaine dernière, je faisais une boulimie du dernier album en date de The Sueves (à écouter en fin d’article), et alors que de nombreux morceaux à l’instar de “Another Town” me procuraient de véritables sueurs froides, je me suis surpris à me dire qu’ils me rappelaient les belles heures de la scène garage. Je venais d’y penser au passé, comme si elle avait entièrement disparu…



Il y a un mois environ, j’ai contacté Bandcamp. Ma requête était on ne peut plus simple : je voulais qu’ils me fassent parvenir les chiffres concernant le nombre de sorties étiquetées “garage rock” sur une période de 10 ans. J’étais convaincu que j’y aurais trouvé les signes d’un déclin, et de fait, matière pour mon article. Seulement, Bandcamp ne m’a pas répondu. J’ai donc réfléchi à trouver un autre moyen, et Google fut mon ami (vous connaissez l’expression). Les résultats m’ont pour le moins interpelé, je m’en vais donc vous les raconter.


Le nombre de sorties “garage rock”

J’ai ainsi débuté ma quête en faisant la recherche suivante : site:https://bandcamp.com/ “garage rock”, l’idée étant de chiffrer le nombre de sorties Bandcamp étiquetées de la sorte. Si Google n’affiche pas le nombre de résultats des requêtes spécialisées, on obtient toutefois les chiffres en trafiquouillant un peu le code source. Alors que je m’attendais à une baisse continue du nombre de sorties “garage rock” sur Bandcamp, j’ai découvert une tendance tout à fait contraire :


Il est trop tôt pour s’inquiéter des chiffres de l’année 2019, il s’agit pour l’heure de ce que les statisticiens décrivent de “bruit de mesure” plutôt que d’une véritable tendance.


L’intérêt du public pour le “garage rock”


Les sorties, c’est une chose, mais quel est l’intérêt du public ? À défaut de disposer de chiffres précis qui seraient publiés par l’industrie musicale en ce qui concerne le garage rock, j’ai poursuivi ma quête Google à l’aide du service Google Trends (c’est ici que je précise ne pas avoir reçu d’argent de la part de Google pour écrire cet article). Trends permet effectivement d’analyser le nombre de requêtes liées à un ou plusieurs mots clés. Que ce soit pour les États-Unis, pour la France ou pour le monde entier, les mots clés “garage rock” semblent faire l’objet d’un nombre décroissant de requêtes. Voyez donc par vous même : 




Vous ne serez pas sans remarquer qu’un pic apparaît en mai 2013. Mon premier instinct fut d’aller voir du côté de Ty Segall : qu’avait-il sorti ce mois-ci ? Rien. En réalité, la marque de lunette Oakley avait semble-t-il mis sur le marché un nouveau modèle de ses “Garage Rock”, lunettes mouche pas belles. Donc j’ai engagé une nouvelle recherche Google Trends, en excluant Oakley. Les résultats sont semblables, à l’exception du pic qui a disparu :

A l’aube de la nouvelle décennie, le nombre de requêtes est ainsi deux moins élevés que ce qu’il n’était en 2010. Et le déclin est constant, net, sans bavure.


Si la quantité ne fait pas (toujours) la qualité, force est de constater que le garage rock suit le même chemin que le jazz a emprunté il y a 30 ans de cela. Il est marginalisé, son importance diminue. Et si la création n’a jamais été aussi florissante, à quoi bon lorsque le public s’en désintéresse. Les moyens de diffusion poussent les groupes à créer, à balancer leur musique sur Bandcamp et autres plateformes, sans compter, parce que les coûts marginaux sont proches de zéro. Seulement, il n’y a bien souvent personne de l’autre côté du téléphone. Combien de sorties sont ainsi écoutées par moins de 100 auditeurs ? Probablement des milliers, à en croire ces chiffres.

Alors quoi ?


S’il suit cette courbe d’attention (et il n’y a pas de raison qu’il ne le fasse pas), le garage rock sera bientôt absent de la contre-culture. Il n’influencera plus aucun champ artistique, politique ou même social. Le jazz est déjà mort en ce sens ; le garage rock suit la même courbe. Il n’existera plus qu’au sein de son petit écosystème.

Mais tout cela n’est peut-être pas très grave. Le moment de hype reviendra sous doute. Et s’il ne revient pas, nous continuerons notre route ensemble. Je sais en effet que la scène garage rock restera soudée, aussi petite soit-elle. Les groupes qui délivrent des albums du genre, le public qui se déplace dans les caves françaises, dans les dives Américains et dans les zones industrielles de l’Australie ne le fait pas pour le “cool”, mais par conviction, pour honorer un mode de vie. Le garage ne disparaîtra donc complètement jamais, d’ailleurs, il n’a jamais disparu. Il se meurt ainsi, mais ne sera pas K.O. parce que son existence, à l’inverse d’autres genres, signifie quelque chose de plus important qu’une simple mode. “Les vrais” resteront seul actifs, et moi, être avec les vrais, ça m’plait bien. Restons donc solidaires, soyons STILL in Garage Rock. Ça commence par l’écoute de The Sueves, et de celle des classements Still in Rock qui sont dédiés au genre :




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