ORB, c’est un groupe originaire de Geelong (Australie). Je le re-re-redis, 2017 est l’année australienne, il sera intéressant de compter combien de groupes australiens seront dans le top 20 des meilleurs albums de l’année et de comparer ça au nombre d’Américains. Mais revenons-en à notre sujet. ORB est un groupe qui est injustement présenté comme le fils illégitime de King Gizzard – il faut dire que Stu Mackenzie est responsable du mixage et que Joe Carra (qui s’occupe de KG) est au mastering. C’est injuste pour deux raisons au moins : la première tient au fait que sa musique est plus proche de la scène stoner psychée que celle de KG. La seconde, quand bien même il serait effectivement de cette mouvance, ORB n’aurait rien d’illégitime tant son nouvel album, Naturality, est un petit joyau du genre.
Mais ORB n’en est pas à son premier essai. Son premier album, Birth, est paru l’an dernier via Flightless (d’où la référence souvent appuyée à King Gizzard). Naturality revient sur le même label qui est cette fois-ci épaulé de Castle Face Records. Ah, on comprend mieux certains élans à la John Dwyer… Surtout, on trouve dans cet album les prémisses de Fuzz – le groupe de Ty Segall et Charles Mootheart, en autre. Naturality est un peu comme l’album 0 du groupe, avant le premier LP de 2013. Et pour cause, la texture sonore est un brin plus dépouillée – notons que Fuzz opère un mouvement vers des titres de plus en plus luxuriants – les mélodies sont tout aussi efficaces, enfin, il joue sur un minimalisme qui rappelle volontiers “Preacher” et “Hazemaze“. 

Naturality, un peu comme le premier CFM, est un album aux mille variations, un cabinet des curiosités qui ne cesse de surprendre celui qui l’écoute. ORB amorce de nombreuses pistes et trouve toujours comment y couper court, maître en matière de frustration, et finalement, master en jouissance. C’est ainsi que “Hazelwart” s’offre à nous, que le mauvais oeil se transforme en partie fine pour amoureux stoner. Oubliez un instant ce que vous savez en matière de structures et de codes musicaux, ORB veut changer le game.
A Man In The Sand“, le deuxième, est un titre à la Post Animal, du rock psychédélique qui passe en effets sonores. Certaines phases rappellent ici le stoner sous-marin de Charcoal Squids, on gagne en intensité, le titre est tentaculaire et si les premières écoutes peuvent sembler décharnées, on se dit rapidement que ORB sera la figure de proue de cette nouvelle austérité. “You Are Right“, avec son départ tonitruant, est l’occasion d’un petit clin d’oeil à Blue Öyster Cult. Il y a quelque chose de très prog rock dans ce morceau qui ne déboussolera pas les avertis.
O.R.B.“, c’est un titre dans la lignée de ce que sort Ty Segall en 2017, des morceaux déstructurés qui misent beaucoup sur le travail studio au détriment de la mélodie. On y retrouve, logiquement, quelque chose de très froid qui fera nécessairement perler quelques gouttes de sueur aux disciples du hard rock. Pour la première fois, ORB étale toute sa maitrise de la texture sonore. Le son de la guitare, très rond et très charnu, contraste avec la sécheresse de la batterie. Trop de productions tendent à l’uniformisation, le tout violent, le tout eurythmique ou le tout onctueux. Ce titre entremêle les univers dans une épopée qui ne craint jamais la grandiloquence que le punk a essayé de buter. 
Immortal Tortoise” fait entrer l’album dans une phase plus noire encore, assurément du stoner psychédélique inspiré par les Oh Sees. A ce stade, il sera difficile de ne pas faire de ce Naturality l’album le mieux produit de l’année. C’est, en tout cas, celui qui en profite le plus. “Immortal Tortoise” est un morceau épique comme seule la scène américaine sait en faire. Seule, jusqu’à présent. Seule, jusqu’à ce que ORB ne viennent brouiller les cartes.

Mother Brain” est probablement le titre le plus classique, la structure suit son cours sans jamais dévier de sa trajectoire. Parce que cet article est publié un 27 octobre et qu’Halloween approche dangereusement, je ne peux que m’émouvoir de croiser la route de “Flying Sorcerer” – le sorcier volant. Fuyez votre soirée si le passeur de sons refuse de jouer cette subtilité stoner. Le côté très proto-punk de la guitare est un joli clin d’oeil à ce combat – punk / stoner – que j’évoquais avec CFM. Il me disait alors que “cette opposition conduit les artistes à produire différents styles de musique. Et puis, le punk est différent de ce qu’il était en 1977, en 1982, 1993 ou 2003. Les styles musicaux évoluent et seul l’esprit perdure”. Avec “Mother Brain“, ORB nous met des bâtons dans les roues. Sera stoner qui peut, et sera punk qui veut. Prenez garde à l’arrivée du sorcier, il a quelques riffs un brin acerbes dans sa besace maléfique.

Et puis, pour clouer Jesus le spectacle, pour achever Marie cet album, ORB nous a réservé le meilleur : “Rainbow’s End“. Que ce soit dit, il sera inenvisageable de produire un classement des meilleurs morceaux de l’année sans inclure ce dernier. Et que tous ceux qui s’y essayent soient cloués au pilori, après tout, à quoi bon être tolérant avec ceux qui ne conçoivent pas la magie noire. Ils doivent savoir, de force. ORB montre d’un coup d’un seul qu’un chemin existe, que les ronces des Oh Sees, Fuzz, King Gizzard & co ne pourront l’empêcher de se frayer une autoroute vers la postérité. Que cet album soit le début de quelque chose d’immense, ou un simple coup d’éclat, il sera rappelé dans plusieurs années avec l’émotion des premiers amours. Gothiques.

Au final, je ne peux m’empêcher de penser que Naturality est l’album qui fera de ORB un groupe d’envergure mondiale. La scène ne pourra longtemps négliger la douce violence de cet LP. La scène ne pourra faire fi d’un groupe capable de tant d’amplitude. C’est à mon sens le mot qui caractère le mieux cet album qui, avec ses nombreuses bascules, ses oscillations qui palpitent ou nous écrasent, font de Naturality un LP qui comptera dans l’année 2017, et probablement bien au-delà. 
Pour ne rien gâcher de notre plaisir, ORB a infusé son album de pop, c’est que l’on trouve dans plusieurs mélodies qui semblent avoir été désossées pour le simple plaisir de ne pas jouer la carte de l’éclaircie dans un album parfaitement nébuleux. ORB maitrise chacun des éléments qui font d’un album un véritable témoignage. Il maitrise surtout la sorcellerie stoner, comme le font les chamans de Fuzz, mais avec un dépouillement quasi squelettique qui renforce l’impression d’occultisme-stoner. Un nouveau subgenre est là.
Tracklist : Naturality (LP, Flightless, 2017)

1.
Hazelwart
2.
A Man In The Sand
3.
You Are Right
4.
O.R.B.
5.
Immortal Tortoise
6.
Mother Brain
7.
Flying Sorcerer
8.
Rainbow’s End

Liens :
Article sur le dernier album de Fuzz
Article sur le premier album de Post Animal

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