Anachronique : James Taylor (Folk)

 

James Taylor. Comment chroniquer un autre album que celui qui commence par “Don’t come to me with your sorrows anymore” ? Bien sûr, écrire sur un seul LP de James Taylor implique de faire un choix cornélien. Il y a bien son fabuleux premier album, James Taylor (1968), Sweet Baby James (1970) et JT (1977)… Je fais aujourd’hui le choix de vous présenter Mud Slide Slim And The Blue Horizon (1971) parce que, à mon sens mieux que les autres, il fait partie de ces albums mythiques qui, entre folk et country, insistent sur la dolce vita américaine d’autant.
Sur Mud Slide Slim And The Blue Horizon, James Taylor se présente à nous face au reste du monde. On retrouve de nombreuses fois ses ambitions de solitude et d’abandon. Pourtant, James Taylor porte un regard tendre sur le monde qui l’entoure, prêchant l’amitié (bien plus que l’amour), prêchant constamment la beauté du paysage. Cet album est tout aussi contemplatif qu’il est apaisé.

 

Un peu comme le faisait si bien Nick Drake, James Taylor est de ces romanciers de la vie qui dépeigne une Amérique apaisée et solidaire. Sa musique, parfaitement instrumentalisée, forme les stances de l’oisiveté. James Taylor est un artiste que l’on écoute lorsque l’on est amoureux, pour coller à notre état d’esprit, et que l’on écoute aussi lorsque tout s’écroule, pour remédier à l’apocalypse. Cet article complète ainsi notre série sur la folk américaine, la seule et unique. Van Morrison, J.J. Cale, Randy Newman, The Flying Burrito Brothers, Nick Drake et James Taylor faisaient partie des principaux membres du club des plus grands songwriter de l’histoire, voici le récit de l’un d’entre-eux.

 

Love Has Brought Me Around” est plutôt trompeur en ce qu’il laisse entendre que James Taylor soit meut par une volonté de suivre sa destinée amoureuse. Le titre est un aperçu plutôt exact de ce que contient une partie de l’album, mais on ne saurait trop s’y reporter. “You’ve Got A Friend“, à l’inverse, est probablement le titre le plus symbolique de ce que la musique de James Taylor est une tape amicale sur l’épaule. Ce morceau, qui constitue sans aucun doute l’un des plus beaux hymnes à l’amitié jamais écrits, penche clairement du côté le plus folk des créations de James Taylor, ou plutôt devrais-je parler de Bedroom Folk.
Places In My Past” insiste sur le passé d’un voyageur sans fin. La voix légèrement nasillarde de James Taylor colore ce morceau d’une mélancolie passéiste qui nous fait du bien. “Riding On A Railroad” rappelle pour sa part Leonard Cohen, pour l’instru’ très fifties, et Bob Dylan pour le rapport aux grands espaces. Ce titre n’est pas le plus symbolique de la discographie de James Taylor, mais quel périple, quelle croisière ! On aperçoit la petite échoppe au loin, comme un accessoire à la longue route poussiéreuse que l’on vient de traverser. C’est “Soldiers” qui nous y accueil, “just after sunrise”. La journée fut longue et voilà que la première partie de l’album se conclut déjà. Et puis, James Taylor “got out of bed, say “good morning, what a beautiful day”…
La traversée reprend de plus belle avec “Mud Slide Slim“. Ce titre est une nouvelle excursion dans la folk des années ’70, plus proche de Van Morrison que jamais. “Mud Slide Slim” est une errance de luxe dans l’univers d’un homme de la terre, là où James Taylor veut “pick up a piece of land and built myself a cabin back in the woods”. Et puis, l’adéquation entre le message et la forme artistique est absolument parfaite, le minimalisme de chaque côté est renforcé par un voile romantique, le texte fait référence à l’horizon et la musique est agrémentée d’un piano-bar texan. Voilà bien un chef-d’oeuvre du genre, rien de moins.

Hey Mister, That’s Me Up On The Jukebox” est directement étiquetée comme “sad song”. James Taylor délivre en effet une balade sur laquelle on reflète le chemin déjà parcouru, avec ses au revoir et ses révérences. “You Can Close Your Eyes” est plus réconfortant. Troisième merveille de l’album (avec “You’ve Got A Friend” et “Mud Slide Slim“, vous l’aurez compris), James Taylor dit ne plus connaitre de chansons d’amour et ne plus pouvoir chanter le blues. Il délivre une chanson d’une extraordinaire sensibilité, pour que sa tendre puisse la fredonner durant son absence.
La dernière partie de l’album s’ouvre avec “Machine Gun Kelly“, un morceau plus enjoué qui rappelle le J.J. Cale inspiré (bien qu’il l’ait toujours été) de ses meilleurs albums. Sans entrer dans le message politique, on se perd dans les quelques allures de Country qui bercent encore de leur affabilité. Et puis, “Long Ago (And Far Away)” devra également être retenu comme l’un des grands de la discographie de James Taylor. Gracieux et suave, il laisse réapparaître plusieurs voix féminines, comme pour rappeler le leitmotiv de cet album.
On passe à autre chose avec “Let Me Ride“, un titre presque funk-ish avec ses cuivres et son rythme effréné. Van Morrison semble revenir à grands pas, une fois encore. Des choeurs viennent renforcer l’impression et voilà que “Highway Song” crée l’inattendu : un titre à la Randy Newman. C’est bel et bien le style dans lequel James Taylor est le meilleur, lorsque sa mélancolie prend le pas sur des bonnes intentions. James Taylor dit vouloir reprendre la route, laisser sur place les gens du parcours, pour se retrouver seul, une fois encore. Ah, vous avez dit Beat Generation ?! Et puis, ce “higway” nous conduit directement sur “Isn’t It Nice To Be Home Again“. Tout est dit dans l’appellation de ce morceau. James Taylor complète son concept-album. Que l’odyssée fut belle !

 

 

Cet album est un sans faute, raison pour laquelle il a marqué l’histoire de la folk américaine, et, plus généralement, de la musique Américaine avec un grand A. À la différence de certains articles anachroniques sur des albums oubliés, Mud Slide Slim And The Blue Horizon est un absolu indispensable – reconnu comme tel – pour toute personne un tant soit peu intéressée par la musique seventies.
James Taylor, c’est des textes, un fabuleux songwriting et aussi une voix. L’expérience est absolument parfaite. Avec ce genre d’albums, on se prend à rêver de ce qu’aurait été notre vie dans une autre réalité, perdu dans une petite cabane d’un des lacs du Michigan. Et finalement, James Taylor nous fait goûter à cette autre existence – délicatement aromatisé au whisky -, et c’est déjà beaucoup.
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