Les Inrocks au soutien de la scène garage (une histoire de stagiaires)

In a post-truth/post-music critic world, I am so proud, oh yeah, so, so proud to present you with Still in Rock “Fake News“. Every once in a while, mostly on Fridayzzz, I publish a paper developing an alternative fact or theory I am the only one to believe in. Only buzz matters, so let’s flush what they call “truth” down the toilet. And by the way, Jay Reatard is not dead and Donald Trump listens to his music. Did you know that?

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Les Inrocks au soutien de la scène garage
(une histoire de stagiaires)
Lundi 18 janvier 2021, 07h51, rédaction des Inrocks :
Le boss : Eh, stagiaire, remballes ton téléphone, on s’en tape de c’qui se passe sur Tiktok.
Le stagiaire : Oui, monsieur.
Le boss : Très bien. Bon… tu l’as certainement remarqué, ces derniers temps, on a écrit trop d’articles sur de la musique de merde. Entre Ariana Grande, Justin Bieber, BTS, Miley Cyrus, et Lady Gaga, on a enchainé les bonnes grosses bouses. Pour couronner le tout, on a publié quelques chroniques sur Metallica, Foo Fighters, Queen et David Bowie, bref, toute la chiasse rock’n’roll qui nous sert encore à justifier le nom du journal.
Le stagiaire : Euh… euh… 
Le boss : Ouais, j’sais, tu oses pas dire que j’ai raison. Bref, c’est là où tu interviens : tu vas m’faire quelques chroniques sur la scène garage.
Le stagiaire : Mais, m’sieur, moi je suis stagiaire au service comptable…
Le boss : On s’en tape. Tout c’que tu vas m’faire c’est de m’écrire des articles d’une dizaine de phrases, max’. Soit ironique, cale une ou deux références et l’tour est joué. De toute façon, on publie quoi qu’il arrive. Le but, c’est pas d’écrire un truc fouillé, on veut simplement redorer un peu notre blason cool et indépendant avec tes semblants de chroniques. En vrai, on s’en tape de cette scène pourrie des mecs crado dans leur garage.
Le stagiaire : M’sieur, vous pensez pas que ces groupes vont être déçus ?
Le boss : O.N. S.E.N. T.A.P.E. Tu comprends ça ? Bien sûr qu’ils vont bien voir qu’on ne publie des articles de plusieurs pages que sur les groupes qui peuvent nous rapporter du fric, faire vendre. Tu vois, on file les trucs avec des enjeux commerciaux à nos meilleures plumes, et la merde à nos stagiaires, comme toi. Mais c’est pas grave, ces groupes vont quand même partager le contenu sur leur compte Instagram. Les labels suivront.
– Le stagiaire : Ah.
– Le boss : Ben ouais, “ah”, t’es con ou quoi ? T’as déjà vu un p’tit groupe pourri ne pas partager un lien des Inrocks lorsqu’on parle enfin de lui ? On leur donne une raison d’exister, ils sont tous là avec leur “papa, maman, j’suis dans les Inrocks”. Les groupes sur lesquels tu vas écrires sont “underground” parce qu’ils n’arrivent pas à vendre, c’est tout. S’ils savaient comment, ils se prostitueraient tous en sortant de la musique qui puisse les rendre millionnaires.
– Le stagiaire : OK. J’vois…
– Le boss : Cool, tu vois… quand tu veux. Donc voilà, reviens dans mon bureau à… disons… 9h30, avec six ou sept articles. Parles de trucs bien confidentiels, t’as qu’à scanner Bandcamp si tu manques d’idées. Choisis des groupes français, écris des trucs ironico-sympa, et surtout, ne passe pas ton temps à réfléchir. Écris, c’est tout. Le contenu, on s’en tape. Le groupe aura disparu dans 3 ans de toute façon, et toi, rêves pas, tu ne deviendras jamais journaliste chez nous, ou même ailleurs chez les connards de Rock & Folk, Gonzaï et Rolling Stone à la con.
– Le stagiaire : C’est noté.
– Le boss : Putain, t’es pas un bavard toi. Pile ce qui m’fallait.
Epilogue : les articles du stagiaire sont parus le 19 janvier 2021. Ils ne disaient rien. On y trouvait beaucoup d’hyperboles, une photo (en grand, ça occupe l’espace), et trois lignes qui se tenaient à peine. Les Inrocks furent contents : il faut toujours générer les news sans potentiel au coût le plus bas.
Ces articles ont permis au journal de “publier du contenu cool-cool”. Ils servent son image, une fois de temps en temps. Les journalistes de métier, eux, continuent d’écrire sur la bouse commerciale qui fait la recette de ce journal (et des autres). L’ecosystème fonctionne bien : les cons achètent le journal papier pour se donner une conscience politique style bobo parisien sauveur de planettes, alors qu’en réalité, ils ne s’intéressent véritablement qu’aux nouvelles photos de Drake.

Pendant ce temps, les stagiaires sont en charge de produire des news à la chaine. Tous les groupes et labels servent de support. Ils partagent ces blurbs lapidaires sur leurs réseaux sociaux, parce qu’après tout, vaut mieux une brève dans les Inrocks qu’un long interview publié sur un webzine inconnu (ou, pire, un fanzine). Certains vont même juste qu’à affirmer que les Inrocks soutient la scène garage. Fake newz or not, this is your call.

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