POST-SKATE

Le post-skate existe, je l’ai vu de mes propres yeux. Plus ambitieux que les reptiliens, plus dangereux que les lluminati et plus cool que les traineurs de garage, les post-skateurs ont déjà posé leurs valises dans vos salons, mais vous ne les avez probablement pas remarqués. Voici le récit mégalo-historico-technico-crucialo-important de leurs apparitions. Voici le premier article de la courte histoire de Still in Rock entièrement dédié à la création d’un genre. 

Brève histoire du post-stake
Écrire une brève histoire du post-skate est un exercice (très) plaisant, bien que tout à fait mégalo. Aucun groupe ne se prétend pour l’heure de la scène ou du genre post-skate. Mais parce que tout mouvement commence bien quelque part, et parce que je suis désormais convaincu que le post-skate existe (pour de vrai !), voici l’histoire autocentrée du futur plus grand style musical des années 2020s (sans complexe). 
En juillet 2018, j’écrivais mon premier article sur les Shifters et je l’intitulais : “post-skate music is coming”. Je disais alors que de plus en plus de groupes semblent se tourner vers le cool d’un son New York 1978 parfaitement dépouillé, relativement minimaliste et toujours haché. J’y décrivais un rythme simple ainsi que la vitesse de la voix des groupes peu connus qui trainent dans les concerts où il faut délivrer rapidement pour ne pas perdre son public. Je concluais alors qu’ils étaient les descendants de Protex, des Homosexuals, de Satan’s Rats et j’en passe. Sans être slacker, sans être seulement garage non plus, ils étaient “post-skate” parce qu’après tout, ils avaient l’attitude sans l’objet, le punk sans le skate-punk, le style rétro sans les vans.
Les bases étaient ainsi posées, et quelques jours plus tard, j’enchainais sur une chronique rendant hommage à Priors. Je relevais que grâce à lui, je pouvais sortir à nouveau ma nouvelle théorie de la musique post-skate. Il fallait que je la complète pour lui donner un semblant de consistance, ce que je faisais ainsi : “le post-skate, c’est une musique aux rythmes très resserrés, des mélodies pop qui sont mises au service d’une voix plutôt agressive, mais amicale par ailleurs”.
Tout cela commençait donc à faire illusion, mais deux groupes, c’était trop peu. Je continuais alors dans la direction de ma nouvelle obsession en août 2018 à l’occasion d’un article sur Gee Tee, notant que le 0.1% de bubblegum que l’on descelle parfois dans ses morceaux faisait de lui un membre partiel de la scène post-skate. Et je profitais d’une autre chronique sur le Shifters pour en rajouter une couche. Il ne fallait pas en effet que je manque l’occasion. Conscient que le référencement Google est capital, je devais donc multiplier les entrées, ce que je faisais en ces termes : “les Shifters sont un groupe australien qui a résisté à la tentation slacker au profit d’une musique plus bubblegum-punk-ish, ce que je qualifie donc de post-skate, parce que le mot “post” fait cool et que le mot “skate” fait cool (aussi). Et que les Shifters sont cool. (…) Il est bouncy à la façon des Replacements (“I Will Dare“), il est rock’n’roll et ses paroles ne parlent ni de bières, ni d’être flemmard, ni de faire la fête : il est donc post-skate (…)”.
Et pour continuer mon autopersuasion quant à l’existence réelle de la scène post-skate, j’en parlais à l’occasion d’un autre article sur Priors, continuant ainsi mon analyse cyclique (pour ne pas dire, mon analyse “qui tourne en rond”) : “Priors, ce groupe originaire de Montréal, va donc marquer (…) le genre post-skate dans lequel il continue de s’inscrire. Ses rythmes semblent être de plus en plus serrés, ses mélodies cachent toujours un peu de pop et la voix, amicalo-agressive, est un meneur qui ne défaillit jamais. Le post-skate produit un effet immédiat, il n’est pas prétentieux comme le post-punk l’est parfois, il n’est pas aussi primaire que le punk cathartique, mais il est tout aussi explosif que le meilleur garage, aussi violent que le stoner, aussi jouissif que le slacker et tout aussi véhément que le punk. Ce que ce titre expose sans relâche (…) seuls les groupes de post-skate peuvent maintenir l’adrénaline sur autant de morceaux.”
En janvier dernier, je faisais franchir la fin de 2018 au post-skate en prenant appui sur un petit nouveau répondant au doux nom de Vintage Crop : “Vintage Crop est violent sans être agressif, il est vif sans être pressé, il est gluant sans être jangle pop, il est punk sans être punk, ni war-punk, ni post-punk. Il est garage sans être lo-fi.”. Bront complétait la courte liste : sur une base de sonorités post-punk, Bront allie la vitesse de la musique post-skate avec une voix sexy-lady à faire fondre la Reine d’Angleterre.”
Voilà donc comment je prétendais égoïstement à la labélisation d’un nouveau genre : le post-skate. Je le définissais encore en contradiction avec d’autres genres (“ni ceci, ni cela”) et je m’inquiétais par moment du peu de représentants. Seulement, je me suis rapidement rendu compte que davantage de groupes devaient être intégrés au genre, et ce, pour deux raisons au moins : la première, c’est qu’une scène ne peut exister sans sa poignée de groupes initiateurs. La seconde, c’est que j’ai loupé le coche à l’occasion de plusieurs articles publiés de 2015 à 2018 et que j’ai ainsi manqué de raccrocher quelques autres albums au post-skate. Il faut dire que j’étais aveuglé par les étiquettes les plus communément utilisées : skate-punk, garage pop, bubblegum punk et j’en passe… 
Permettez-moi ainsi de compléter ainsi ma liste des groupes post-skate. Je le fais, pour commencer, avec Aborted Tortoise (premier dans l’ordre alphabétique) qui, en 2017, faisait paraître un album nommé An Beach répondant à tous les canons du genre (j’y arrive). Et puis, il a bien entendu Dumb, auteur du meilleur titre de l’année 2018 : “Mint”. Je nomme également Rips (albums Rips, 2017) et Thigh Master, auteur du génialissime Early Times (2016). Voilà pour la scène actuelle, du moins, pour celle que j’ai pu identifier. Je résume donc : il y a Aborted Tortoise, Dumb, Priors, Rips, The Shifters, Thigh Master et Vintage Crop. On peut ajouter, dans une moindre mesure, Gee Tee, Honey Bucket et Waste Man. 
C’est un bon début, me semble-t-il. Ouais… pas mal, mais probablement pas suffisant pour convaincre les foules. Conscient de cette difficulté, je me suis donc mis en quête d’une figure paternelle pour donner à la société patriarcale dans laquelle on vit ce qu’elle veut : un sauveur, un pilier sur lequel se reposer. Et ce pilier de la scène post-skate n’est autre que Parquet Courts. 
Si je ne me suis toujours pas remis du “College Chess Circuit” de son premier album (American Specialties, 2011), les premiers sons de post-skate dans la discographie du groupe ne remontent qu’à l’album d’après : Light Up Gold (2012). Voici donc le premier LP post-skate de l’histoire. Ce n’est pas rien. (note: cet album est lui-même le descendant des Protex et des Homosexuals que certains historiens tiennent comme les premiers post-skateurs de l’histoire. Le débat est ouvert). Et pour cause, les Parquet Courts ont toujours fasciné la scène, mais force est de constater que la presse a bien du mal à expliquer les raisons de son succès. La réponse était donc sous notre nez depuis le début : Parquet Courts est le créateur d’un nouveau genre, le post-skate ! Post-skate, post-skate, post-skaaaaate. La boucle est ainsi bouclée, des origines du post-skate (2012) jusqu’à la floraison de la scène actuelle (2017-2018). 
Le post-skate : analyse technico-relou
Tout ça est bien beau, mais je n’ai jamais cru que l’ambition de Still in Rock soit de faire de l’histoire. Voici donc une description technico-relou de ce qu’est (très) précisément le post-skate. Résumant ainsi mes brèves analyses, le post-skate répond aux caractéristiques suivantes : 
– un rythme simpliste et très resserré
– un son inspiré de la fin ‘70s
– un son haché (cathartique) et souvent dépouillé
– un son aux allures anglaises et/ou New Yorkais (les colonies, ça compte aussi)
– un son tout au plus mid-fi (garage)
– un son bubblegum-punk-ish
– une voix retenue, presque parlée
– une voix aggressive mais amicale
– des mélodies pop
– des mélodies gluantes sans être jangle pop
– des mélodies qui rebondissent (“bouncy”)
– des paroles qui ne parlent pas de bières
– des paroles qui ne parlent pas d’être flemmard
– des paroles qui ne parlent pas de faire la fête
– des titres explosifs
– des titres véhéments (affront)
– l’absence de prétention post-punk
– l’absence de “saloperies” trash slacker
Voyez ! Je complète : 
– le battement par minute est au minimum de 170 BPM sur au moins la moitié des morceaux. A défaut, seuls les morceaux répondant aux canons sont considérés comme étant post-skate, mais l’album ne peut pas être labélisé ainsi (sinon, c’est très grave) 
– l’indication de la mesure est 4/4
– une production brute
– l’absence de réverbérations sur la guitare
– au moins la moitié des morceaux ne dépasse pas la barre des 3 minutes
– des titres qui débutent dans les 5 secondes introductives
– l’attitude n’est pas exubérante à la façon des slackers (qui mangent souvent leur crotte de nez en buvant de la Bud), elle n’est pas violente comme celle des punks, elle n’est pas prétentieuse comme celle des post-punks, elle n’est pas mignonne comme celle des groupes de garage pop, elle est… post-skate 
Le reste est ouvert et toute variation tout doit être considérée comme un sous-genre du post-skate. Vous voilà donc désormais détenteur du titre de “dénicheur de post-skate”. Toute musique répondant à ces canons doit être immédiatement reportée auprès des autorités compétentes, ou, alternativement, auprès de Still in Rock (thibault@stillinrock.com). Priorité : identifier le premier groupe de post-skateuses. 
La philosophie des post-skateurs
il me reste encore à détailler une chose au moins : le pourquoi du post-skate. 
Plusieurs raisons semblent expliquer son apparition. La première, c’est une réaction au cynisme 90s qui a envahi la scène actuelle. Les post-skateurs ne sont pas cyniques, ils ne sont pas ironiques non plus. Ce sont des types sympas, mais qui, lorsqu’il le faut, jouent leur musique avec soin et détermination, sans feinter aucune sorte de je-m’en-foutisme. La deuxième, c’est également une réaction, mais cette fois-ci, aux slackers. Les slackers vivent de la maxime sex drug et rock’n’roll, ils l’ont même ressuscité de sa tombe dans laquelle le straight edge l’avait foutu. Et c’est ainsi que l’on comprend le “post” de post-skateur. Les skateurs sont des slackers par nature. Ils posent sur quelques vidéos, mais pour le reste, ne semblent être affectés par rien. Chez les post-skateurs, une réelle importance est donnée à la musique. Ils veulent qu’elles dynamitent les salles, qu’elles explosent quelques cervelles trop fraiches et qu’elle marque l’histoire. Les post-skateurs veulent ne laisser personne indifférent. C’est là la grande différence avec les slackers. La troisième et dernière raison à l’apparition de la scène post-skate est un hommage anti-corporatiste. Les slackers et les cyniques font le chou gras des publicitaires. Les premiers font la promotion des marques de bières (ou de bouffe, voyez les Jingles de Mean Jeans) tandis que les seconds sont trop passifs pour lutter contre quoi que ce soit. Les post-skateurs entendent bien redonner vie à la génération 78’, la dernière avant la Blank Generation. Ils ne se laisseront pas faire, personne ne fera d’un post-skateur le fer de lance d’une nouvelle marque de fringue. 
Le post-skate : et si on l’écoutait ?
Le post-skate, c’est le petit frère du garage punk. Mais comme tous les petits frères, il est plus sympa, plus souriant aussi. Comprenez, ses parents (punk et garage pop) l’ont dorloté. Alors, lorsqu’on l’écoute, on ne peut s’empêcher d’être plein de sympathie pour ce dernier. Ci-dessous, j’ai réuni la crème de la crème de la musique post-skate la plus actuelle dans une seule et même mixtape Still in Rock, la 12ème du nom (liste). Pour le reste, notons que le meilleur moyen pour faire du post-skate le genre le plus en vogue des années 2020s, c’est d’en parler. De nouveaux groupes seront alors incités à rejoindre le mouvement, pour le meilleur de l’humanité. La balle est dans votre camp, allez le taguer le nom post-skate dans les gares et sur les murs de salles de concert, mangez post-skate, dormez post-skate, vomissaient post-skate. Il vous le rendra bien. 

(mp3) Still in Rock Mixtape #12 – post-skate
(click right – hit download)


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