Thurston Moore, c’est la légende.

Thurston Moore, c’est la légende. Que dire sur Thurston Moore qui n’ait jamais été dit ? Rien, assurément. Et puis, j’ai déjà consacré une semaine entière au groupe Sonic Youth, qui plus est, j’ai aussi eu l’honneur de l’interviewer (ici) ainsi que de publier quelques articles sur ses dernières sorties. Cet article est donc volontairement centré sur les seules sensations que procure l’écoute du nouvel album de Thurston Moore, parce qu’il me semble de toute façon que ce soit le seul angle qui vaille.

Rock N Roll Consciousness est son 5ème album solo, paru le 28 avril dernier. Il fait suite à The Best Day qui était paru en 2014 avec ses nombreux hits, dont “Speak To The Wild” et “The Best Day“. S’il a fallu attendre 6 mois avant qu’il soit finalement chroniqué sur Still in Rock, c’est que l’on a tous – je crois ? je ne sais pas ! – une tendance à se concentrer sur l’underground, la nouveauté d’un groupe inconnu qui met une belle claque à son petit monde. Et puis, on écoute les légendes et l’on se rend compte de l’écart avec les autresRock N Roll Consciousness dit ce qu’est le rock expérimental : il est aventureux, mais il est également mélodique. Il est novateur, mais il est également codé. 
Thurston Moore n’a jamais caché son engagement politique et Rock N Roll Consciousness est un album qui entend remettre le rock’n’roll au centre du débat, preuve qu’il n’est pas mort, preuve que Bret Easton Ellis a donc tort. C’est également la preuve d’un Ian Svenonius lucide lorsqu’il demande à censurer l’art afin de lui redonner son pouvoir subversif. Après tout, le censurer, c’est reconnaitre sa puissance. Ce “consciousness” que Moore place dans son titre d’album, c’est l’aveu d’une scène rock’n’roll comateuse, et donc, auto-censurée. Il est temps d’en sortir. 
Exalted” introduit l’album sur celui qui dirige son pays, aussi, sur la cartographie de son peuple. Un long interlude résonne dans un vaste espace avant que Thurston ne vienne recentrer le son aux alentours de la 7ème minute. Ce goulot d’étranglement fait déjà de Rock N Roll Consciousness une oeuvre engagée et pertinente. Je me questionnais hier soir sur la définition de fiction :  “construction artistique sans vérité”. Outre le non-sens le plus total de ces quelques mots, on notera ici, à l’écoute de Rock N Roll Consciousness, qu’une oeuvre artistique –  véritable – détient nécessairement une part de vérité. “Exalted” le dit. 
Cusp” poursuit à l’aide d’un son plus métallurgique, du post-Sonic Youth peut-être pas si post que ça. Il y a toujours eu une balance parfaite entre la violence et l’envie de violence de la musique de Thurston, comme s’il sublimait son agressivité en la contenant. “Cusp” fait ce que font les meilleurs S.Y., il sert l’envie de malveillance à l’égard de ceux qui le méritent.

Ceux qui recherchent les chefs d’oeuvre – qui ne sont-ils pas ? – sont servis avec “Turn On“, masterpiece de cet album, également classable parmi l’ensemble de sa discographie. L’introduction de 2min40 sait se faire désirer. C’est ici que Thurston demande le réveil, attaque les médias, raille le pouvoir, bref, fait du rock’n’roll dans sa conception très punk. Moore ne crée pas un quelconque mouvement – après tout, avoir donné ses lettres de noblesse au rock expérimental devrait lui suffire – mais il se fait le véritable représentant d’un élan naissant. Et cette phase à 4min05 ! 
Smoke Of Dreams“, c’est le titre le plus parlé de cet album, mais Thurston se contente finalement de peu. New York city is everything. On reconnait sa façon de jouer de la guitare parmi toutes à l’arrivée des quelques riffs de 3min10. Il semble vouloir nous donner un peu de pop, mais il freine rapidement son élan au bénéfice de quelque chose de plus expérimental, du son post-industriel fidèle aux années ’90. Les textures sont entremêlées, il abat sa carte mystère. Et “Aphrodite” de venir conclure le tout dans ce qui sera le titre le plus bagarreur de cet album. Thurston Moore déstructure notre histoire commune en nous servant un coulis de Fugazi servi sur son lit de Slint en ébullition. Ce titre, c’est du post post-hardcore.

Au final, et sans aucune surprise, Thurston Moore continue d’agrémenter sa discographie sans faute. Et si le concept de faute pour un artiste est de toute façon absolument faux, et outrageant, on se dit malgré tout que Thurston donne un nouvel angle de vue à ce qui en vrai en matière de rock’n’roll.

Tracklist : Rock N Roll Consciousness (LP, Caroline International, 2017)
1. Exalted
2. Cusp
3. Turn On
4. Smoke of Dreams
5. Aphrodite

Liens :
Interview avec Thurston Moore
Article sur sa dernière session KEXP

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