Album Review : Fiona Apple – The Idler Wheel (Pop Baroque)

Fiona Apple. Quatrième album en 12 ans de carrière, Fiona est une artiste à fleur de peau, sorte d’ovni parmi les siens, chanteuse à la voix directe capable de créer une étrange atmosphère dès la première résonance de ses cordes. La complexité de sa musique est son principal point fort, ses titres sont autant de petites périples où l’on découvre Fiona Apple autant qu’elle semble se découvrir. C’est ainsi que le 15 juin dernier nous découvrions son The Idler Wheel (je vous épargne le titre complet).
L’univers de Fiona Apple est tout aussi noir que déjanté. Cet opus est le formidable témoignage d’une artiste à la recherche d’un son novateur qui lui colle à la peau. Là se trouve la clé de l’album, lorsque Fiona laisserun total libre cour à son imagination, sa musique résonne comme nulle part ailleurs, on se trouve conquis et en présence de très beaux morceaux. Lorsque la pop plus habituelle des chanteuses du 21ème siècle reprend le dessus, les morceaux perdent alors en saveur.
Le parallèle avec le dernier album de Feist, Metals, n’est pas vain. Ces deux chanteuses sont dôtées d’extraordinaires voix et d’un talent créatif peu commun. Toutes deux attirées par un jazz qu’elles savent à merveille mêler à une indie pop colorée, c’est lorsqu’elles s’éloignent de leur univers respectif, parfois semblable l’un à l’autre, on y perd en qualité, en intensité. Voyons ce qu’il nous réserve, place à la critique détaillée :
  • Every Single Night : C’est tout en douceur que l’on pénètre l’univers de Fiona Apple avec un “Every Single Night” à l’enregistrement volontairement usé. Hésitante et palpitante, Fiona délivre un premier titre qui donne le La et fait passer beaucoup d’émotions. Sa voix s’impose dès les premiers instants, l’atout majeur de l’opus. Comment passer à côté de ce refrain si enchanteur ? Impossible.
  • Daredevil : Des airs jazzy pour accompagner un titre pop qui se révèle à la deuxième minute lorsque Fiona laisse échapper le fil de sa voix suave. “Daredevil” n’apparaît qu’en transparence, tout le jeu sera de retrouver la trace de ses pas.
  • Valentine : Un titre qui manque d’originalité. En fait, on regrette que Fiona ne saisisse pas l’opportunité de nous délivrer un morceau complètement décalé et loin des sentiers battus, en toute occasion, à chaque seconde. “Valentine” n’est pas un mauvais titre, seulement, à quoi bon ? Tant d’autres sont déjà passés par là.
  • Jonathan : Que l’univers de “Jonathan” est bien différent de tous les autres. Jazz autant que pop, on peine à en ressortir indemne, d’où la puissance de ces quelques minutes. Ses airs déstructurés en font une bizarrerie musical que l’on s’approprie dès la première écoute.
  • Left Alone : La véritable introduction des percussions se fait avec ce “Left Alone” qui, pétaradant, est une pièce essentielle de cet insubmersible Idler Wheel. Vous avez dit noir et difficilement saisissable ? Je dirai alors même plus, noir et difficilement saisissable.
  • Werewolf : Voilà que l’on alterne entre ce que Fiona Apple est capable de produire de plus original et d’autres couplets trop pop-américanisant pour perdurer. C’est lorsque sa voix use trop d’aigus que l’on perd toute la saveur de cette écoute.
  • Periphery : Ce piano-bar ne parvient pas à entretenir suffisamment le mystère pour marquer nos esprits. “Periphery” manque de variations, d’amplitude et d’ambition.
  • Regret : Ce titre exprime toute la puissance qu’est capable de communiquer la musique. Nulle part ailleurs nous ne pouvons entendre un morceau d’une telle envergure. La voix de Fiona Apple nous prend aux tripes, l’auditeur tout aussi alerte que possible.
  • Anything We Want : Contrasté, ce morceau fait la part belle à une instrumentalisation tout aussi variée que travaillée. Le moment fort du titre se trouve être lorsque le piano reprend les pleins pouvoirs, le final en étant la plus parfaite démonstration.
  • Hot Knife : Percussions et Fiona Apple sont deux concepts qui se marient à merveille. Ce titre en devient l’un des plus efficaces de l’album, un instant où il fait bon fermer les yeux et se laisser emmener dans les plaines neigeuses de l’Europe de l’Est, juste avant que le paysage se transforme en champ de bataille.
En somme, The Idler Wheel est un opus relativement facile à décrypter : les titres qui ne le sont justement pas et qui nécessitent des dizaines d’écoutes sont de petites pépites à se garder bien à chaud. On pense alors, non seulement aux deux brillants “Every Single Night” et “Regret“, mais aussi à “Jonathan” et “Hot Knife” et “Anything We Want“. Les autres, plus fidèle à ce que le 21ème à a nous offrir, doivent être considéré comme de petits interludes sans trop de prétention.
L’écoute répétée de l’opus révèle un piano bien plus important que la première impression ne le laisse penser. Souvent pièce centrale de chaque titre, tout semble être bâti autour de cet instrument, chaque structure pensée en fonction de son arrivée. La voix de Fiona Apple n’est finalement que le couronnement de belles mélodies, originales tout autant qu’entêtantes. Elle est l’écrin d’or que l’on pose délicatement sur une pierre précieuse. Tout n’est finalement qu’histoire de délicatesse au pays des géants de la musique.

Note : 7,8 / 10 (barème)



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