Anachronique : Weezer (Indie Rock)

 

 

Weezer. Lorsque j’entendais parler de Weezer il y a de cela quelques années, je pensais immédiatement à ce mauvais rock à la American Pie, sorte de bouilli sonore conçue pour émoustiller les hormones nouvelles. Il faut dire que la quasi-intégralité des albums du groupe parus après l’année 2000 répond à ce critère. Seulement, les deux premiers LPS de Weezer sont loin de ce péché originel. Si le premier single du groupe, “Undone – The Sweater Song“, aura un immense succès sur les radios universitaires, on comprend que cela recouvrait une tout autre réalité.
Créé en 1992, Weezer se révèle en 1994 avec un bel album self-titled (lien). Mais c’est aujourd’hui Pinkerton, paru en 1996, qui retiendra notre attention. Ce deuxième album du groupe est de loin le plus brut de tous. Surement est-ce le travail du grunge sur la musique de Weezer, le fait est que cet opus réalise un important virage rock. Rares sont finalement les groupes à avoir switché de la pop vers le rock’n’roll. L’inverse répond à un mouvement de balancier bien plus répandu. Pinkerton mérite en cela bien des honneurs.
Si l’on faisait un sondage pour demander quels groupes encapsulent le mieux les années 90, je prends les paris que le trio gagnant comprendrait Pavement, Sonic Youth et Weezer. Le premier des trois à été le sujet d’un article majeur de Still in Rock (lien). Le deuxième fera un jour l’objet de nombreuses lignes, mais je préfère encore me le garder sous la main. Voilà ainsi que le troisième intègre vaillamment la liste des articles anachroniques de Still in Rock.
Ecrire sur ce type d’albums devenus légendaires est toujours une épreuve difficile, pour deux raisons. La première, parce que beaucoup a été dit. Weezer dispose d’un Weezerpedia, rien que ça ! La deuxième, parce qu’à force de dizaines et de dizaines d’écoutes, les titres deviennent tellement familiers que l’on a parfois l’impression d’écrire sur ses grands-parents. Certains y arrivent très bien, mais ils se nomment Proust et Victor Hugo. Essayons-nous tout de même à l’exercice.
Le son est inévitablement très marqué par les années 90. Il ne fait aucun doute à l’issue de ces dix morceaux que Weezer étaient des contemporains de LotionPolvo et SlintPinkerton est ainsi un album brut, imparfait et souvent primitif. Pourtant, Weezer parvient à ne jamais tomber dans un son grossier. Cet album est festif et il s’en dégage une autorité tout à fait exceptionnelle. Pinkerton doit son caractère à d’excellents musiciens qui, tous ensemble, ont créé un album résolu au punch devenu emblématique.
La grande majorité des titres introductifs des albums de légende écopent de ce même statut. “Tired of Sex” ne déroge pas à la règle. “Getchoo“, c’est l’une des partitions les plus nerveuses de l’album. Weezer assume en plein son impatience de nous rentrer dedans. Le contraste avec l’introduction de son premier LP est saisissant. Pourtant, à l’issue de ces deux premiers morceaux rien ne laisse vraiment transparaître le génie de Pinkerton. L’indie rock de Weezer y est particulièrement bon, mais de là à constituer l’un des 10 albums les plus iconiques d’une décennie… ?! La donne est complètement changée avec “No Other One“. Rivers Cuomo prend son envol, sa voix trouve une belle résonnance avec cette guitare post-apocalyptique qui l’entoure.
Why Bother?“, le quatrième, c’est l’un de ces morceaux de Power Rock à la Offspring. Clairement pas le genre de référence que Still in Rock a l’habitude de répertorier, force est de constater que Weezer s’en sort très bien. “Across the Sea” est moins significatif de ce que représente Pinkerton. La deuxième partie du morceau est plus efficace car plus mélodique. Vient alors “The Good Life“, LE hit de Pinkerton. L’explosion de ce morceau est sans cesse répétée. 20 ans plus tard, il conserve toute sa puissance. Un exploit ! “The Good Life“, c’est l’un de ces morceaux qui marquent toute une génération d’artistes. Et cette génération est aussi bien celle de l’indie rock actuel que de la pop indépendante. Souvenons-nous que dans notre interview avec Real Estate, le groupe citait Weezer comme influence majeure (lien).
El Scorcho” est, à de nombreux égards, similaires à celui que le précède. Tourné autour d’une guitare très répétitive, “El Scorcho” s’amuse de beaucoup des codes de l’époque. La batterie tape fort et Weezer s’en sort finalement avec un dernier refrain qu’il assène comme un véritable hymne. Les premières notes de “Falling for You” sont et resteront parmi les plus distinctives de Pinkerton. ‘But I’m shakin’ at your touch; I like you way too much My baby; I’m afraid I’m falling for you’. On en finit avec “Butterfly“, l’une de ces chansons à chanter au coin d’un feu, guitare acoustique à la main.
Les Weezer auront eu bien des difficultés à accoucher de Pinkerton. Initialement destiné à être un opera-rock sur le thème de l’espace (on l’a échappé belle), il a finalement emprunté plusieurs éléments à l’opéra Madame Butterfly (dont le nom du principal concerné). Quelques années après sa sortie, Cuomo, le chanteur, qualifiera l’album d’hideux, évoquant une “erreur douloureuse s’étant produite devant des centaines de milliers de personnes”. A écouter l’après Pinkerton, on s’étonne en effet que des albums tels que Make Believe et Christmas With Weezer soient le fait des mêmes artistes.
En réalité, je suis intimement convaincu que Pinkerton soit à ce point réussi grâce à l’influence de Pavement (bien que le groupe cite plus facilement Nirvana, parce que plus éloigné de son univers). Le son un peu messy, cette rage qui se traduit sur un Indie Rock aux tendances Grunge, la volonté de traduire le cool de l’époque, les nombreux solos de guitare qui parsèment Pinkerton, il est certain que Weezer sera l’un des premiers disciples de la bande à Malkmus. Il ne maintiendra malheureusement pas le cap, mais Pinkerton sera toujours là pour nous rappeler la beauté que ce groupe a un jour réussi à délivrer.
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