Love était un groupe originaire de Memphis, formé en 1965 et qui (sous sa formation initiale) aura fait paraître trois albums. Il aura notamment donné naissance à la légende de son leader, Arthur Lee. Ce dernier, accroc aux drogues dures, fera et défera de nombreuses fois son groupe, avant d’affirmer être la réincarnation de Jimi Hendrix et de servir 6 années en prison. Mais Love était également le groupe de Bryan MacLean, le guitariste qui composera de nombreux hits de la formation. Au final, l’équilibre parfait ne durera que peu, mais il ne fait aucun doute que la magie de ces quelques années a été encapsulée dans les albums du groupe. 
 
L’année 1966 aura été marquée par la confirmation de grands noms, les Beach Boys avec Pet Sounds, les Stones avec Aftermath, Dylan avec Blonde on Blonde. Pendant ce temps, Love faisait son apparition, en toute discrétion. Il faut dire que le rock psychédélique commençait à se développer de toute part. D’autres groupes en faisaient une excellente exploitation en le couplant à des sons Garage, je pense à Count Five, aux Electric Prunes, et aux Seeds. De l’autre côté, des groupes s’en donnaient à cœur joie dans la pop psychée, avec bien évidemment The 13th Floor Elevators, mais également The Lovin’ Spoonful  et le Chocolate Watchband. Et puis, l’expérimentation gagnait la scène, les Velvet faisaient paraître les deux singles All Tomorrow’s Parties” / “I’ll Be Your Mirror“, les Fugs explosaient avec leur opus self-titled, sans compter sur Hendrix (“Hey Joe“) qui expérimentait avec ses dents. 
 
Au final, Love demeure l’une des meilleures représentations du spirit des années 1960. L’écoute de cette musique fait immédiatement ressortir tous les fantasmes de l’époque, les premiers textes sur la drogue, les premières mélodies psychédéliques, et la mystification d’un leader charismatique. Le premier album du groupe, Love, parait en 1966. Il est enregistré entre le 24 et le 27 janvier de cette année là, au Sunset Sound Recorders, à l’abri d’une influence trop grande de tous les groupes précités. Il est souvent décrit comme étant un opus trop peu original pour véritablement exister aux côtés des deuxième et troisième albums. J’y trouve, au contraire, un LP très rythmé qui, sous l’influence des Byrds, recèle de mélodies fabuleuses. Certes, Love ne peut prétendre à la puissance de l’album Pet Sounds des Beach Boys mais, dans un style parfaitement différent, Love y a introduit certaines des belles mélodies de la décennie.
 
Love laisse moins de place à la mouvance pop psychédélique que le groupe embrassera sur Forever Changes en 1967. Il n’en demeure pas moins que la force mélodique de cet album est supérieure à celle des albums ultérieurs. De plus, il est un album très important qui, probablement aussi parce que paru sur  Elektra Records, influencera plusieurs grands noms de la scène. Je pense par exemple à la guitare de “My Little Red Book” que Syd Barrett reproduira sur “Interstellar Overdrive“.
 
My Little Red Book” justement, le titre introductif, peut être tenu comme symbole de cette scène de l’année 1966. Sorte de Proto-Rock psychédélique, il marquera une partie de cette année charnière en ce qu’il affirme que le psychédélisme ne rime pas forcément avec un déconstructivisme musical forcené. Plus après, No Matter What You Do” réintroduit ce même rock psychédélique, que l’on retrouvera aussi sur “Gazing“. Dans un style similaire à celui de The 13th Floor Elevators (article), Love semble se ruer sur le refrain super entêtant. 


D’autres fois, Love donne dans une pop plus sereine. C’est le cas sur “Signed D.C.“, l’hymne anti-drogue du groupe. C’est également l’une des créations les plus touchantes jamais composées par Love. ‘Sometimes I feel so lonely‘, ‘No one cares for me‘, une première phrase qui continue avec de résonner. Love fait également dans la ballade pop avec “Message To A Pretty“. Quant à Softly To Me“, il aurait pu être un grand titre des Beatles. Rarement cité, ce titre est pourtant un petit miracle psychédélique. Il transporte avec lui tout un univers qui, à la Vanilla Fudge, s’impose toujours à nous.


Quant à “You’ll Be Following“, il fait partie de ces quelques morceaux qui, sans la voix d’Arthur Lee, n’auraient probablement que peu d’intérêt. Les Byrds avaient déjà tracé la route de ce genre de pop pre-psychée mais encore trop structurée. Pourtant, ces quelques minutes sont convaincantes, et pour cause, Arthur habite ce morceau avec détachement. “Colored Balls Falling” illustre l’état encore pre-psychédélique de la scène. La guitare fait une timide intrusion dans le morceau, avant de se dissoudre dans les dernières secondes. 

 
Au final, on ne sera pas étonné de constater que de nombreux titres de cet album parlent d’amour. L’album est rempli de ce sentiment béat qui colle parfaitement à la rondeur du son de Love. La basse y est particulièrement profonde, un exemple pour tous les musiciens à la recherche de chaleur musicale.
 
Pour ne rien bouder de notre plaisir, avouons que l’article serait bancal sans avoir cité plusieurs titres des albums suivants. Par exemple, “Stephanie Knows Who“, sorte de réponse très Jazz au “Stephanie Says” des Velvet, et “She Comes In Colors“, sont deux beaux morceaux de Da Capo (1967). On y trouve également des compositions très sincères, comme sur “Orange Skies“. J’insiste particulièrement sur ce titre tant je pense qu’il est l’un de ceux qui gagnent le plus à être écouté. Il faut aussi donner un peu de son attention à “The Castle” qui a tout du morceau enchanteur, avant que “She Comes In Colors“, le titre qui a inspiré “She’s A Rainbow” des Rolling Stones, ne viennent boucler la boucle. Mais l’album est avant tout marqué par “Revelation“, titre de 19 minutes (quasi inédit pour l’époque).Forever Changes est bien plus fidèle au mouvement hippy. La production y est encore plus soignée que sur les deux premiers albums. “Alone Again Or ?” laisse déjà transparaître le mystère qui plane sur cet album. D’où viennent ces sons de flamenco, que signifient ces paroles ? “Bummer In The Summer” est un autre single inévitable de Love.

La douceur du très bedroom Pop “The Red Telephone” constitue également une pièce discrète, mais essentielle de la discographie du groupe. Même remarque pour “The Good Humor Man He Sees Everything Like This“. L’album semble en cela plus proche du Revolver des Beatles que jamais. Une fois encore, ces deux albums sont constamment encensés, et il est évident qu’ils méritent bien plus que ces quelques lignes. Mais Love fait à mon sens partie de ces groupes dont il faut commencer l’écoute dans l’ordre chronologique, je ne saurai trop insister là dessus. Au final, l’année où Lennon affirma que les Beatles étaient

 “plus populaires que Jésus” a de multiples facettes à découvrir. Love en est une. Est-ce que “Michelle” méritait véritablement le titre de meilleur morceau de l’année 1966 ? Pas si sûr… 

 



(mp3) Love – My Little Red Book (1966)

(mp3) Love – Signed D.C. (1966)
(mp3) Love – No Matter What You Do (1966)




Liens afférents :

Article anachronique sur Syd Barrett
Lien vers TOUS les articles anachroniques

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *