Album Review : Chain & The Gang – Minimum Rock N Roll (Crime Wave)






Album Review : Chain & The Gang

Minimum Rock N Roll






Chain & The Gang. Ian est LA légende. La légende est Ian. Très rares sont les musiciens qui parviennent de leur vivant à générer un véritable culte autour de leur personne. Ian fait partie de ceux-là. Il est, en somme, une légende parmi les légendes : les grands noms de la scène lui reconnaissent la paternité de tellement de codes du Rock ‘n’ Roll moderne que Svenonius lui-même en perdrait son russe. Ce qui est parfois conflictuel. Si on sait déjà que l’on écoutera ses opus dans 30 années, on est également toujours tiraillé par l’idée de leur donner une première écoute qui soit tout sauf neutre. Mais tachons de nous essayer à l’exercice.
Still in Rock l’a déjà mentionné à de nombreuses reprises, Ian Svenonius est l’auteur de deux livres indispensables : The Psychic Soviet et, surtout, Supernatural Strategies for Making a Rock ‘n’ Roll Group. Il y expose dans le deuxième ce qui fait d’un groupe un grand groupe de Rock ‘n’ Roll. C’est truffé d’humour, absolument brillant, et tellement ironique qu’on ne sait parfois où donner de l’œil. Il y pérpetue notamment l’idée que le Rock a été inventé par les Russes comme forme de propagande pour aliéner les Américains. Alors, lorsque Chain & The Gang fait paraître un album nommé Minimum Rock N Roll, on se dit que l’on va avoir droit à une pièce de musique qui incarne tous ces éclairs de génie, quelque chose à la Kim Fowley. Et bien, c’est le cas.

Minimum Rock N Roll est le quatrième opus du groupe, paru en avril sur Fortuna POP!. Nécessairement, lorsque l’on a fait partie des créateurs du mouvement Punk de Washington, lorsque l’on a fréquenté les plus grands de ce Monde (je ne saurai d’ailleurs trop vous conseiller de regarder les interviews que réalise Ian lui-même, ils sont, je le pense sincèrement, les meilleurs interviews que je n’ai jamais vu/lu: ici (Pavement), ici (Sonic Youth)), les références aux passés sont multiples. Don’t worry, pour les sessions de rattrapage, Still in Rock a fait paraître un article en septembre dernier qui résume brièvement l’ensemble de la carrière de Ian Svenonius (article).
Pour ce nouvel album, Chain & The Gang a décidé de ressortir l’artillerie lourde. Après un In Cool Blood (2012) très Indie Pop, ces 12 nouveaux titres reflètent en plein le nom de l’album. Et puis, on y retrouve tout ce qui fait de Ian l’un des personnages les plus attachants de la scène actuelle. “Its not New Wave its crime wave“, qu’il dit. La Crime Wave, ça vous dit quelque chose ? La réponse sera assurément positive après la simple écoute des premiers titres de Minimum Rock N Roll. Truffé de petites références (par exemple, la pochette d’album joue avec les rayures des Chain Gang), truffé de distorsions sur les guitares et de paroles toujours aussi éclairées, ce nouvel album de Chain & The Gang est une merveille de Rock Indépendant, si tant est que ça veuille encore signifier quelque chose. Et puis, on a parfois l’impression que Ian se transforme en sa propre parodie. Plus fort encore que l’auto-dérision, il fait de lui-même la moquerie suprême de sa musique pour finalement la sublimer. Ah, l’amour. Chers amis, place à la critique track-by-track :
  • Devitalize (ici) : Je crois que “Devitalize” s’apprécie particulièrement lorsque l’on sait quel est le passé de Ian : celui d’un pionnier du mouvement punk from Washington D.C., capable d’exploser les barrières sonores comme de délivrer une musique pseudo-contenue comme l’est “Devitalize“. Mais avant tout, ce titre est surtout ludique. Plus proche de l’univers de The Make-Up (regardez ce documentaire sur le groupe) que du dernier Chain and the Gang, la diction de Ian produit toujours ce même effet galvanisant. Les images du clip nous viennent immédiatement en tête. Voilà une introduction !
  • Never Been Properly Loved : Ce titre est le premier à dévoiler quelle est la véritable touche sonore de cet opus. La basse prend vite les commandes et nous guide dans un morceau finalement super Pop. Pas le meilleur de Minimum Rock N Roll, mais suffisamment Ianish pour retenir notre attention.
  • I’m a Choice (Not a Child) : Les paroles n’ont absolument aucun sens. Et pourtant, on sait que ce morceau occupera nos mois à venir. C’est si fort. On note par ailleurs que la voix de Ian gagne ici en sensibilité. Il est amusant de constater quelques ressemblances avec celle de Christopher Owens. Dans l’ensemble, le son de la guitare est moins entubé que sur In Cool Blood, et “I’m a Choice (Not a Child)” en est la parfaite illustration.
  • Stuck in a Box : Encore un son de basse super loud pour accompagner une mélodie très binaire. C’est minimal rock n roll, pas de doute. “Stuck in a Box” est l’un des titres les plus évidents de tout l’album. On se rend rapidement compte qu’il fait partie de ces morceaux vers lesquels on revient le plus fréquemment à l’entame d’une nouvelle écoute.
  • Got to Have it Every Day : Attention, on arrive là aux toutes meilleures minutes de Minimum Rock N Roll. “Got to Have it Every Day” débute sur un dialogue de Ian comme on les aime tant. Et puis, on comprend vite qu’il ne lâchera pas prise sur la phrase qu’il vient de trouver. C’est qu’il est têtu. Ses petits cris viennent étonnamment nous enchanter. “Got to Have it Every Day” est l’un des plus variés de tous l’opus : guitare et batterie alterne parfaitement, les rythmes n’ont de cesse de changer, c’est du très bon Chain, du très bon Gang.
  • Fairy Dust : Irrésistible, il est l’un des deux seuls titres instrumentaux de l’album, et sûrement le plus groovy de tous, “Fairy Dust” est déjà un classique du genre. Il est je pense représentatif de ce qui se passe à l’intérieur du cerveau de Ian Svenonius : du Rock comme base permanente, et quelques moments d’excitation plutôt extrême dans un style qui n’appartient qu’à lui.
  • Mum’s the Word : L’essentiel de ce morceau se concentre bien plus dans les paroles ironico-Ianesque que dans sa musique plutôt efficace mais trop peu distinctes de l’average création de Chain & The Gang.
  • Crime Don’t Pay : Inutile de se voiler la face : “Crime Don’t Pay” est à ce jour l’une des toutes meilleures créations de Ian, tous groupes confondus. Ça en serait presque inadmissible. A vrai dire, on y retrouve le génie de “Born On The Floor” et “Blue Is Beautiful“, dans un style qui rappelle presque les premiers Black Keys (ah si). Il faut dire que “Crime Don’t Pay” regroupe à lui seul tous ce qui fait de Ian l’artiste qu’il est devenu. On se retrouve à écouter ce morceau en boucle pour ressentir à chaque fois cet ultime effet galvanisant. La réponse à 2min25 est l’un des meilleurs moments de l’année.
  • What R U In Here For? : Non pas que ce morceau ne soit pas inspiré, au contraire puisqu’on se croirait en plein chateau à éviter les vampires de Polanski, mais nécessairement l’après “Crime Don’t Pay” se fait un peu ressentir. Le côté très accessible de ce morceau, sa petite guitare bien douce et le petit monologue de Ian finissent par se révéler avec le temps, une fois la puissance du titre précédent complètement admise (si possible). ‘You’re convicted by the Jury‘.
  • Minimum Rock n Roll : It’s Rock ‘n’ Roll Baby ! Le tempo plutôt de l’introduction, sa basse languissante, nous voilà à mener l’enquête en compagnie d’un Ian détective, munis de nos Mac et moustaches roulées.
  • Curtain Pull : Ian a laissé la place à la douce voix féminine de Katie Alice Greer. On y retrouve une guitare super simpliste dans un genre similaire aux meilleurs girl bands de la scène actuelle. Il sait donc tout faire ! Que Cherry Glazerr tremble, Ian vient marcher sur ses plantes bandes, et avec le brio d’une légende.
  • Everything Worth Getting is Gone : Ça ne pouvait pas se finir comme ça. La bête qui est en lui ne dort jamais bien longtemps. Il voulait “to Have It Everyday”, et voilà que tout fou le camp. Chain and The Gang nous assène sa belle maxime une dernière fois : le rock, rien que le rock.

Minimum Rock N Roll  porte parfaitement son nom. On est souvent pris d’une envie d’exécuter des danses tribales ou de tenir tous ses amis en accolade pour sautiller de bon cœur, un genre de truc à la Chuck Berry. Une chose est sûre (et d’autres aussi), cet opus fera assurément partie des albums les plus Rock ‘n’ Roll de l’année. C’est d’une pureté implacable. Un doute ? Passez “Crime Don’t Pay” en boucle et laissez monter en vous cette furie animale très primaire.
L’équipe de musiciens qui accompagne Ian a été complètement renouvelée pour se rapprocher un peu plus du son des Make-Up, à l’image du titre “Got to Have it Every Day“. Dans l’ensemble, les titres de cet album sont super groovy, je pense notamment à “Stuck in a Box” et “Fairy Dust“. Cet opus est au final bien plus punchy que ne l’était In Cool Blood. Et puis, il sied bien mieux au Ian scénique, à l’ultime showman qu’il est. Ian fait partie de ces rares artistes que l’on ne peut pas autant apprécier qu’après l’avoir vu au moins une fois jouer en live (vidéo, une autre). Mais cet album, pour la première fois depuis un bon moment, donne un véritable aperçu de ‘la bête’. Sans revenir au Post-Hardcore de ses premiers amours, sans flirter avec la musique de ses potes des Fugazi, Ian parvient à faire de la Pop le vecteur de tout son caractère.
La joie qu’a Ian à créer ses albums se ressent toujours autant. On est comme pris dans cet univers conspirationniste où Elvis n’est jamais mort. Chain & The Gang a parfaitement réussi son pari du Minimum Rock ‘n’ Roll. Que les autres en prennent de la graine. 

Note : 8,3 / 10 (barème)

(mp3) Chain & The Gang – Crime Don’t Pay
(mp3) Chain & The Gang – Got To Have It Everyday

Liens afférents :
Article sur le titre “Devitalize
Article sur la carrière de Ian Svenonius

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *