Alors que je commençais enfin ma lecture de Music at Night d’Aldous Huxley, j’avais comme intention de trouver un angle d’attaque pour cet article. Je ne compte plus le nombre de mes articles sur Ty, il faut donc que j’y trouve un nouvel amusement. L’artiste californien a fait paraître son nouvel LP, Fudge Sandwich, via In The Red Recordings. C’était il y a quelques jours à peine. Sans prévenir. On y trouve de nombreuses reprises, et surtout, un vrai Ty Segall.

Il me suffisait alors de la première page de l’ouvrage d’Huxley pour trouver mon angle d’attaque. Il écrit : “the truth, the whole truth and nothing but the truth – how rarely the older literature ever told it. (…) Good art possesses a kind of super-truth – is more probable, more acceptable, more convincing than fact itself.” La messe était ainsi dite, j’allais écrire sur la recherche de la vérité et Ty Segall.

Lorsque Ty Segall se lance dans ses projets comme Goggs, ou son dernier album avec White Fence, il ne nous dit pas la vérité. Freedom’s Goblin n’est pas plus véridique. Ty Segall fait part d’un statement, celui de l’artiste capable de toutes les directions et de toutes les sensibilités. Il ne se concentre que la dessus, à la manière des tragédistes qui n’accentuent qu’une seule sensations. Il ne nous donne pas toute son étendue.

Ty Segall est le meilleur artiste garage de l’histoire. Cela implique que Ty Segall fasse du garage, et qu’il le fasse dans ses sphères inatteignables. C’est le cas avec Fudge Sandwich, ci est nouveau depuis Emotional Mugger (2015). Son petit dernier est pourtant un album de reprises (voir la liste en bas de l’article). On ne partait donc pas forcément sur les meilleures bases. Et si je reprochais à son dernier LP de ne pas être un album et je ne crois pas que Fudge Sandwich fasse mieux le job. Il faut dire que reprendre Neil Young, les Grateful Dead et Amon Düül II sur le même album n’aide pas à créer un sentiment d’uniformité.
Et pourtant, Ty Segall vient de remettre tout le monde d’accord.


Parce que c’était récemment Halloween (je ne m’en remets toujours pas), j’ai une affection particulière pour le petit premier, Low Rider“. Les marcheurs arrivent. I’m a Man“, déjà dans un style complètement différent, introduit un peu de punk. Du moins, l’intention est punk. La production, comme sur tous les Ty Segall depuis des années, est irréprochable. 

Isolation” fait bien entendu partie des très grandes réussites de cet album. Reprise des Beatles, Ty Segall joue sur un vrai dualisme : sa voix mime celle de John Lennon tandis que l’instru’, plus crunchy, rappelle ses premiers EPs. Et je voudrais particulièrement insister sur “Hit It and Quit It“. Son introduction tournoyante fait apparaître de premières ressemblances avec John dwyer. Le fond sonore n’en finit pas de ronronner tandis que Ty Segall dynamite le tout avec un duo de guitares dont la grandiloquence fera frémir la scène stoner. C’est ici que Ty Segall est vrai. Il semble débarrasser des complications de ces derniers albums. 

Sur “Class War“, Ty Segall inverse les rôles. Tandis que la version originale de Dils est super punk (voyez plutôt), Ty Segall délivre une version bien plus mélodique. Bien entendu, on peine à saisir le lien avec les morceaux qui le précèdent, mais n’oublions pas que cet album est un fudge de rock’n’roll. Et une fois encore, Ty Segall ne s’embarrasse d’aucune fioriture.


The Loner” (classée 3ème meilleur titre sur le thème) est la pièce la plus brutale de cet album, une anti-thèse aux titres expérimentaux qu’il a récemment fait paraître. Il est linéaire. “Pretty Miss Titty” (confession : la voix me fait penser à Bowie) est l’autre claque de cet LP. On n’avait pas entendu Ty Segall chanter depuis des lustres, il reprend les tons nasilards de Sleeper avec une musique plus pop. Gong peut s’estimer heureux de la reprise.

Archangels Thunderbird” et “Rotten to the Core” font sens tous les deux, parce qu’ils sont violents sans être trash. “St. Stephen” m’intéresse davantage, ce titre est construit sur plusieurs bases qui s’additionnent avec harmonie. Et “Slowboat” de conclure le tout sur des élans acoustiques seventies.


Sur Fudge Sandwich, Ty Segall est vrai parce qu’il est détaché de toute volonté de démonstration. Surement a-t-il pris plus de plaisir à enregistrer Fudge Sandwich que les quelques précédents où sa démarche était celle d’un chercheur. Certes, les styles varient et il est difficile d’y trouver une cohérence, qu’elle soit sonore ou d’ambiance. Mais si l’on accepte cette envie de se montrer à nu pour la première fois depuis longtemps, sans être paré de psychédélisme, de funk, de rock expérimental ou je ne sais encore, on trouve finalement un album qui se tient, parce que la vérité volonté fait tout ici.

Surement est-il aidé dans cette démarche par le concept de l’album. Le fait de ne reprendre que des titres d’autres artistes force Ty Segall a se questionner sur ce qu’il peut et veut leur apporter. Il se recentre ainsi sur ses envies. Et nous sur les siennes.


TracklistFudge Sandwich (LP, In The Red Recordings, 2018)
1 – Lowrider (War)
2 – I’m a Man (Spencer Davis Group)
3 – Isolation (John Lennon)
4 – Hit It and Quit it (Funkadelic)
5 – Class War (The Dils)
6 – The Loner (Neil Young)
7 – Pretty Miss Titty (Gong)
8 – Archangel Thunderbird (Amon Düül II)
9 – Rotten to the Core (Rudimentary Peni)
10 – St. Stephen (Grateful Dead)
11 – Slowboat (Sparks)

Liens :
Tous les articles sur Ty Segall
Article critique de l’avant dernier Ty Segall

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