Dusty Mush est le genre de groupes français dont on parle à nos potes ‘ricains parce que l’on est fier de pouvoir leur montrer qu’ils n’ont aucun équivalent. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire de nombreux articles sur ce groupe de garage et je suis heureux de vous présenter aujourd’hui son deuxième album, Cheap Entertainment. Paru en mai dernier via – la liste est longue – Howlin Banana Records, Stolen Body Records et Yippee Ki Yay Records, il se compose de 10 morceaux, fait 30 minutes tout pile à la pesée et s’accompagne de gants de boxe pour aller taper sur la mamie d’en face. Voilà pour son pédigrée.
Que ce soit immédiatement dit, Dusty Mush est le pape du noisy français – et peut-être même européen. Il est bien évident que chacune de ses sorties est attendue au tournant, mais il a coutume de ne pas nous décevoir. Avec Cheap Entertainment, on va saigner du nez, et on va en redemander. Mais il y a plus. Ce nouvel LP de Dusty Mush ne doit pas être confondu avec un EP de Druggy Pizza. Les phases de déchirement alternent avec celle de contrôle – tout étant relatif – de sorte que l’on a parfois l’impression que l’album est un peu en dedans, mais là se trouve probablement la volonté du groupe. 


Je repense ainsi aux nombreux interludes de Naomi Punk, album The Feeling (2012), à l’occasion desquelles il nous avait fait rentrer à l’intérieur de notre propre cerveau, façon John Malkovic (trailer). Dusty Mush est précisément notre John Malkovich français et noisy, après Being John Malkovich, voici donc Being Dusty Mushkovich. La production de cet LP y est pour beaucoup, le son est volontairement entubé pour une large partie de celui-ci et l’on se retrouve à chercher les moments de torture comme un bourreau le jour de l’interdiction de la guillotine. Nous voilà donc dans le cerveau d’un Dusty qui tente de contrôler ses pulsions, sans toujours y parvenir.




Le fait est que la musique de Dusty Mush a toujours été sale et violente. Ouais, j’imagine le titre à la Une du New York Times : “Dusty Mush, sale et violent”, voilà qui aurait suscité quelques réactions bien puritaines. Mais que les gens se rassurent, ce nouvel LP de Dusty est parfois plus réfléchi que les précédents. Non pas que sa musique soit devenue tiède, ou pire encore, vaguement tiédasse, mais Dusty Mush semble avoir porté une réelle réflexion sur le son qu’il délivre, ce que l’on entend à l’évidence. Le corollaire est un LP parfois moins emporté que ce à quoi le groupe nous avait habitués – toute proportion gardée – mais on s’y retrouve du côté mélodique que l’on descelle à demi-mot.
Not Wild” illustre d’entrée ce nouveau combo. “I Ate Your Dog“, avec son chorus et son aspect chanté, fait office de balade dream pop dans l’univers de Dusty Mush. Notons déjà à quel point la production est bien faite, car sans ça, on aurait bien de la peine à différencier ce morceau des milliers de créations garage qui sortent chaque année. Pourtant, le son de Dusty Mush est reconnaissable entre tous, et lorsque vient “Hot Tomato“, un morceau de Druggy Pizza, on se dit qu’il doit être classé parmi les 5 meilleurs titres de “junk food” de l’histoire (mais si : lien).

Couch Potato” est une phase instrumentale sur laquelle j’ai déjà eu l’occasion d’écrire quelques lignes à l’occasion d’un article “world premiere”. Et c’est ainsi que nous trouvons la porte vers l’intérieur du John Malkovich noisy. On toque, et le gardien du temps – a.k.a. Cédric Bottacchi – nous laisse entrer dans les basfonds d’un esprit persécuté. L’album fait sens à ce stade là. “More & More“, avant la mi-temps, vient rebooster Mamie qui ne trouvait plus de redbull dans son placard. Dusty est un peu sixties et un peu moins mid-fi qu’à l’habitude, mais Dusty quand même.

La deuxième phase de cet LP est à mon sens bien meilleur que la première, ce que je vais démontrer. “Ugly Buddies” nous envoie un uppercut dans une dernière minute qui écorcherait la sagesse du Père Fouras. “Ugly Buddies” reprend le son archi saturé des premiers Dusty pour y ajouter une maitrise mélodique tout à fait nouvelle, comme si le groupe avait emprunté au proto-punk. Et c’est à ce stade que les ondes électriques – au sens propre comme figuré – dévalent dans le Cheap Entertainment, ça cogne dans le cerveau de Malkovich et voilà qu’il vient de voir s’envoler sa liberté conditionnelle.
Johnny Cactus” prend le relais avec une nouvelle émanation sixties, aussi un brin western-ish. Faut-il y voir un hommage caché à Sapin ? Je laisse Gala et Paris Match le plaisir de discuter gossip à ce sujet. “Bad Ideas” qui suit sans transition est à mon sens le grand hit de cet LP, parce qu’il impose une cadence infernale qui n’est pas sans rappeler les débuts du punk US, mais aussi parce que sa prod’ est titanesque et qu’il transpire l’ADN Dusty Mush. “Fullpipe“, à défaut d’avoir des allures de single, doit être érigé comme modèle de ce que la scène garage à tendance noisy aura produit de meilleur durant les années ’10. That’s right. “Cold Sand” clôt la marche et, comme dans le film, on se retrouve projeté à l’intérieur de notre intérieur, ce qui ne veut rien dire, mais qui a tout de même un petit côté masturbation intellectuelle que Dusty vient dératiser sans complexe. 

Au final, Dusty Mush voit juste, et nous, nous voyons à l’intérieur de Dusty Mush. La scène noisy est une sorte de club fermé – adieu Rotary club – et Dusty Mush continuera semble-t-il encore longtemps à distribué les cartes de membre.

Son prix ? 15 balles ! 15 balles, c’est le prix de la consultation chez le Docteur Dusty. 15 balles, c’est le prix d’un excellent album qui prendra à contre-pied les plus férus d’entre vous qui iront se réfugier dans les jupons des soirées power pop. 15 balles, c’est le prix de l’introspection que nous propose Dusty Mush avec sa production volontairement en-dedans – quand il le faut – et ses phases de déflagration. 15 balles, c’est le prix pour écouter un des fers de lance de la scène française, une dernière fois, notre John Malkovich noisy.

(mp3) Dusty Mush – Bad Ideas
(mp3) Dusty Mush – Fullpipe

Tracklist : Cheap Entertainment (LP, 2017)
1. Not Wild
2. I Ate Your Dog
3. Hot Tomato
4. Couch Potato
5. More & More
6. Ugly Buddies
7. Johnny Cactus
8. Bad Ideas
9. Fullpipe
10. Cold Sand

Liens :
Article sur Druggy Pizza
Article sur le premier Dusty Mush


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