LP Review : Cass McCombs – Mangy Love (Soft Rock / Slowcore)

Cass McCombs a longtemps été l’un de ses Clochards Célestes que décrit Jack Kerouac, des artistes sur la route à passer de train en train, de paysage en paysage avec toujours un petit carnet de poésie dans le coin d’une poche trouée. Et puis, Cass McCombs a commencé une carrière solo en 2003, logiquement accompagné d’une musique folk. Après avoir longtemps pérégriné autour de la musique slowcore, il a osé un peu de rock’n’roll sur Humor Risk, un album qui faisait suite à un album que l’on retrouvera dans beaucoup de 100 des meilleurs albums des années 2010′, j’ai nommé Wit’s EndBig Wheel and Others avait pris le relais en 2013 et c’est finalement Mangy Love qui nous conduit à l’article du jour.

Paru via Anti-, cet album est particulièrement complexe. Cass McCombs expérimente de nouvelles sonorités, et une fois encore, on ne saurait critiquer cette démarche à laquelle trop peu s’essayent. Pourtant, tout n’est pas réussi dans ce Mangry Love et il ne faudrait passer sur ces défauts au motif que Cass McCombs est un artiste touché par la grâce. Et puis, cet album est complexe à analyser parce qu’il met que trop peu en valeur ce qui fait Cass McCombs. J’en reviens une fois encore à ma discussion avec Bret Easton Ellis dans laquelle nous évoquions la fin des “solistes”, guitaristes capables de quelques envolées lyriques. Cass fait partie des derniers de cet espèce, au même que Kurt Vile duquel il se rapproche une fois sur scène. Et pourtant, Mangry Love n’exploite pas en plein cette filière, ce qu’on ne pourra que regretter. Une fois cela dit, Mangry Love fait partie des albums les plus intéressants de l’année 2016, voyons de plus près ce que l’on peut en dire.

Bum Bum Bum“, c’est le single de cet album, un genre de hit slowcore, ça existe. Sans trop montrer son nouveau visage, Cass McCombs s’inscrit ici dans la continuité de son album de 2013 avec la majesté qui caractérise toute la Beat Generation. Vient ensuite “Rancid Girl“, un morceau clairement rock’n’roll dont les tendances/structures bluesy feront plaisir aux fans de Seasick Steve. Le rythme imprimé par la batterie semble traduire le marche forcée de quelques prisonniers dans les années 1800. Il fait chaud.

Laughter Is The Best Medicine” est un morceau de soft rock qui ajoute quelques sonorités synthétiques à l’univers de Cass McCombs. Sa voix est relativement bien mise en avant, c’est… soft, une fois encore. “Opposite House” repart sur les terres de ce à quoi nous sommes plus habitués. La présence de quelque voix féminines contraste avec un univers finalement très viril.
Medusa’s Outhouse” illustre alors le seul défaut de cet album. La production est trop pop, faisant disparaître le grand spleen de Cass McCombs au profit d’une musique plus platonique. Non pas que nous voulons de Cass qu’il reproduise encore et toujours le même album, il n’en demeure pas moins que l’on a tout de même l’impression que ce Mangry Love délaisse quelque peu sa touche sonore. “Medusa’s Outhouse” est un très beau morceau dans lequel le bottleneck ajoute une pointe de country qui est bien venue, mais on aurait peut être aimé une instru’ plus sombre.
Low Flyin’ Bird” illustre encore cela. Qu’aurait donné ce morceau avec un seul piano ? Non pas que l’instru’ choisi ne soit pas de qualité – la basse super jazzy est une merveille -, mais Cass McCombs aurait au moins dû choisir un arrangement moins eighties, sans effet sur une voix dans laquelle on veut entendre toutes les misères d’un pays, un simple plaisir égoïste.

Cry“, c’est le côté funky de cet album, une autre nouveauté dans la discographie de Cass McCombs. Il fait bien le job, un titre à DJ set. Vient ensuite “Run Sister Run” est le morceau choisi pour faire la promo de ce Mangry Love, un drôle de choix. L’aspect caribéen de cet album produit son petit effet, mais on veut rapidement quelque chose de plus Cass McCombs.
In A Chinese Alley” tente l’expérience psychée des lives. Cass McCombs fait incontestablement partie des meilleurs guitaristes de la scène, et c’est ce que ce morceau illustre, enfin. Précisons ici que plus de 20 musiciens ont participé à la construction de cet album, eh oui, être Cass McCombs ça aide à s’attirer les talents de beaucoup. “In A Chinese Alley” fait ressortir la richesse de Mangry Love.
It” est une très bonne production de pop semi expérimentale semi psychée. Cass McCombs qui se rapproche de Deerhunter, c’est maintenant. La route se poursuit alors avec “Switch”. La deuxième partie de cet album est décidément plus osée que la première, une influence qui j’en suis sur doit être attribuée à son bassiste qui semble avoir une attirance particulière pour la funk. Une fois encore, c’est bien trouvé et c’est bien fait, mais Cass McCombs nous laisse un brin sur notre faim. “I’m A Shoe” conclut le tout sur un peu plus de gravité, enfin ! Non pas que l’on veuille voir la vie en noire, mais gris semble about right. Relevons à quel point l’intensité émotionnelle est supérieure lorsque Cass McCombs revient sur de la musique slowcore. Il dit au revoir à son Dieu et nous gratifie de quelques prières dont la mélancolie est tout à fait captivante.

Au final, Mangry Love est un album qui performe très bien dans chacun des styles qu’il entreprend mais qui manque parfois du 1% de spleen qui a toujours fait la richesse de Cass McCombs. Sans faire la fine bouche, je dirai tout de même que cet album est l’un des temps forts de 2016 en matière de pop, aux côtés de Chris Cohen & co. Seulement, Mangry Love se détache de l’esprit Beat Generation qui le caractérise tant. Tous ses autres albums symbolisent cette génération d’artiste, du spleen jazzy des longues traversées en solo jusqu’aux accords plus lumineux d’Humor Risk. Mangry Love est à part.
Je précise enfin que Cass McCombs était au Point Ephémère il y a quelques jours à peine et que j’en garderai le souvenir que l’un si ce n’est le meilleur concert de l’année. Rarement j’ai vu un concert où l’artiste s’est essayé au free jazz, à la country, à la pop psychée, au rock et à la funk music en 20 minutes à peine. Cass McCombs a fait tout ça en conservant la cohérence d’un bon live. Je le recommande vivement, tout autant que cet album.

Tracklist :
1.

Bum Bum Bum
2.

Rancid Girl
3.

Laughter Is The Best Medicine
4.

Opposite House
5.

Medusa’s Outhouse
6.

Low Flyin’ Bird
7.

Cry
8.

Run Sister Run
9.

In A Chinese Alley
10.

It
11.

Switch
12.

I’m A Shoe

Liens afférents :
Article sur le dernier album de Chris Cohen
Article sur “Night of the World” de Cass McCombs

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