Sonic Youth Week: Le premier, Sonic Youth (1982)

 


Les amis, bienvenue dans la semaine spéciale Sonic Youth. Vous connaissez probablement tous ce groupe légendaire, d’où la difficulté de l’exercice. Sonic Youth est le meilleur groupe de rock expérimental au monde, une légende parmi toutes qu’il était criminel de ne pas mentionner plus avant. Sonic Youth, c’est en effet 75 mentions dans Still in Rock, et pourtant, aucun article dédié. Il s’agit donc de rattraper cette anomalie en lui consacrant une semaine spéciale. 
 

Pour dire (le) vrai, cela fait longtemps que j’ai cette idée en tête. Se couper un peu de l’actualité incessante semble être une bonne idée et je profite de ce début de juillet pour évoquer enfin ce qui doit l’être. Il s’agira d’essayer d’y apporter un angle nouveau, mais lorsque l’on sait que plus d’un million d’articles lui ont été consacrés, l’ampleur de la tâche apparaît immédiatement. Pas grave, tentons tout de même l’expérience.


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Sonic Youth était (est?) un groupe formé à New York en 1981. Si beaucoup de formations ont eu plusieurs line up tout au long de leur existence, celle de Sonic Youth à l’avantage de sa simplicité : trois piliers ne le quitteront jamais, Kim Gordon au chant / basse, Thurston Moore au chant / guitare et Lee Ranaldo à la guitare. Richard Edson débutera à la batterie et quittera rapidement le groupe au profit de Bob Bert qui sera lui-même remplacé (par Steve Shelley) pour ne pas être assez “sauvage”.
Son premier album, Sonic Youth, paraît en 1982 via Neutral Records, un mini label créé par Glenn Branca et qui ne soufflera jamais ses 5 bougies. Généralement décrit par Thurston Moore comme étant son favori, il est certain qu’il constitue un témoignage historique de ce qu’un rock expérimental nouveau venait d’apparaître. Vous l’aurez compris, ce premier article lui est dédié. Il faut bien faire des choix, et couper dans la discographie de Sonic Youth est ô combien difficile. Commençons alors par le commencement.
Je le dis comme je le pense (on est là pour ça), “The Burning Spear” est l’une (sinon la ?) des meilleures introductions à une discographie de toute l’histoire du rock. Déjà, Sonic Youth joue avec les codes et la structure de ses morceaux, déjà, le son de la guitare vient créer le chaos, déjà, la voix de Thurston Moore nous interpelle parce que sur le fil, déjà, un léger goût de métal apparaît dans notre salive.
I Dream I Dreamed” est encore plus apocalyptique. La batterie est sèche, elle cogne fort en réponse aux deux guitares et à la basse qui viennent sauvagement dresser le portrait d’un titre de post-punk, l’un des tout premiers du genre. “I Dream I Dreamed“, c’est aussi l’apparition de Kim Gordon, une voix délicate qui contraste avec un ensemble plutôt opaque. Le charme opère. Et puis, Sonic Youth délivre l’une de ses premières maximes : “Fucking youth, Working youth“. La voilà la jeunesse de l’époque, désabusée et prête à délivrer son post-rock’n’roll à la sortie de la scène punk/new-wave des années 1977. Sonic Youth illustre cette nonchalance de l’époque, preuve qu’ils n’y ont pas cru, eux non plus, à cette époque.
Vous avez dit weird ? “She Is Not Alone” est un cran au-dessus. Sonic Youth emprunte la même structure que sur “I Dream I Dreamed“, un titre semi-instrumental en ce sens que les 2 ou 3 premières minutes privent l’auditeur de toute partition vocale. L’effet est risqué, certains décrochent tandis que d’autres se font happer.  Thurston Moore semble ensuite s’adresser à celle qui emportera son coeur : elle n’est pas seule (supposément, dans sa tête). On le sait, Thurston Moore et Kim Gordon se sont aussi fait remarquer pour avoir longtemps formé le couple le plus mythique de la scène rock. Kim Gordon est LA meilleure rockeuse de l’histoire, et à entendre ses premiers pas, on ne peut que comprendre Thurston Moore.
I Don’t Want To Push It“, c’est le premier morceau du groupe à accélérer la cadence. Les mêmes percussions reviennent en force, on regrette que le titre ne dure pas plus longtemps. Sonic Youth était encore en rodage, comme une voiture bridée. Le groupe n’osait pas les plages sonores de plus de 10 minutes, ce titre l’aurait pourtant mérité. Et toujours ce même thème qui revient, “You feel in the shadow there’s no more to borrow; There’s no more to steal and no more to feel“, décrivant un monde détruit on plus rien ne valait la peine d’être vécu. Ces bases lyriques resteront sur l’ensemble de la discographie du groupe, ce que nous verrons demain, assurément.
The Good And The Bad” conclut ce premier LP. Premier pas vers le deuxième album du groupe, Confusion Is Sex (1983), il se distingue des autres titres par sa volonté de créer un univers complet à lui tout seul. Ce morceau grandi au fil des minutes, peut-être est-ce le Babadook, peut-être est-ce une autre entité. Il finit logiquement par imploser, comme le suspens d’un Alfred Hitchcock. La ligne de basse de la sixième minute est magistrale. Aussi, ne manquez pas les titres bonus, dont “Where The Red Fern Grows“, déjà.
Cet album est remarquable à deux égards. Le premier, il est pionnier en matière de musique expérimentale. Le son de cet LP est relativement dépouillé, ce qui peut sembler faire sens pour un premier album. On sait en effet que les compositions d’un groupe tendent à s’étoffer avec le temps, faisant peser une présomption de minimalisme sur les premiers albums. En réalité, ce que Sonic Youth fait ici est un véritable chef-d’œuvre du genre. Allier musique expérimentale et minimalisme relève bien plus de l’exploit que du simple aléa de la scène rock’n’roll. Créer une telle atmosphère avec si peu d’orchestration est tout à fait remarquable, raison pour laquelle cet LP doit être classé parmi les tout meilleurs LPs du genre.Le second, c’est ce que Sonic Youth illustre déjà la maxime du Loup des Steppes d’Hermann Hesse (encore) : il s’agit de trouver une balance entre l’art et le style de vie, entre l’esprit et le corps. Ca peut paraître pompeux, mais Sonic Youth est la consécration même de cette philosophie. Nul besoin de mener une vie torturée pour avoir une création artistique ténébreuse. Au contraire, Sonic Youth illustrait déjà à quel point les plus grands ont souvent réussi à trouver le confort dans une construction mentale qu’ils s’appliquaient tous les jours. À bas le cliché du poète maudit. Le rock de Sonic Youth est éclaté, la vie personnelle du groupe (prise dans son ensemble et individuellement) est sereine. A l’époque, Sonic Youth jouait des concerts à base de tiges de fer et de perceuses pour aller ensuite se retrouver autour d’un chocolat chaud. C’était ça. Et avec ce premier LP, Sonic Youth venait de pousser son premier cri, mais l’histoire en dit bien plus…

(mp3) Sonic Youth – The Burning Spear (1982)
(mp3) Sonic Youth – I Dream I Dreamed (1982)

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