A. Savage, c’est Andrew Savage, leader de Parquet Courts. Sans prévenir – quel culot ! -, il a fait paraître son premier album solo le 13 octobre dernier. Intitulé Thawing Dawn, on y découvre un artiste plus slowcore que jamais. Thawing Dawn est-il à ce titre dans la continuité de Human Performance ? Peut-être. Savage s’extirpe du punk au fur et à mesure que les années passent et il fait si bien ce qu’il entreprend désormais qu’on ne saurait lui en tenir rigueur. Le fait est que ce processus est chez lui tout à fait naturel, il me confiait ainsi à l’occasion de la sortie du dernier Parquet Courts, qu’il avait “fait ce qui sortait de nous à cet instant. Je ne suis pas certain que tout cela soit beaucoup plus réfléchi. Il n’y a jamais eu un moment je me suis dit “aller les mecs, on fait moins proto-punk cette fois”. À un moment il est devenu assez clair qu’il y aurait plus de titres lents qu’en comparaison de nos précédents albums. Mais on n’en avait pas réellement conscience durant l’enregistrement.”
On le sait depuis longtemps, Andrew Savage est un formidable songwriter. Ses mélodies sont parfois dantesques, toujours justes. Ce que l’on saura désormais, c’est que Andrew Savage est également un Chanteur. Cela ne paraît rien, mais ils sont peu, finalement, à s’afficher comme tel sur la scène indépendante. C’est pour cette raison que l’album est fascinant, d’autant plus lorsque Andrew se départit des réflexes de Parquet Courts. Les titres chantés avec une voix gutturale sont de véritables faits d’armes, il surprend son petit monde et s’impose comme l’un des artistes les plus complets – et complexes – de sa génération. Véritablement.

Certains auteurs disent qu’il faut entrer dans leur littérature comme dans une cathédrale. Cela vaut pour la musique d’Andrew Savage. “Buffalo Calf Road” a déjà un côté solennel que l’on retrouve tout au long de cet album. Si j’insiste souvent sur la place du rire dans le rock’n’roll, on est ici confronté à quelque chose de plus grave que l’instru’ country ne saurait émailler. “Eyeballs“, l’un des créations les plus pop de cet album, colle plus volontiers à ce que l’on connait des derniers Parquet Courts. La voix prend le lead, mais l’album recèle de quelques trésors plus singuliers. “Wild, Wild, Wild Horses” vient compléter le trio introductif. Savage n’a jamais été aussi proche de Bill Callahan. Les grands paysages américains viennent à nous, il n’est pas retenu, il est assouvi.

Indian Style” – après l’Indian Summer – vient s’entremêler une fois encore avec la pop folk de Cass McCombs. Et “What Do I Do” de venir conclure cette face A. La présence de cuivres psychédéliques – que l’on retrouvent – renforce cette impression d’un morceau composé en hommage à la Beat Generation – Andrew confie toutefois ne pas s’en sentir proche. Il y évoque son rapport à la solitude, à l’amitié, à la folie, son rapport à l’amour aussi. Ce titre part sur des terres peu empruntées. Le travail d’orfèvre se révèle par la présence très discrète d’un piano pendant les phases les plus expérimentales.
Phantom Limbo” veut plus de légèreté pour attaquer la seconde moitié. Natural Child appréciera la référence à l’Amérique du sud. “Winter In The South” enfonce le clou. Les grandes étendues que ce titre dessine sont l’occasion de nouvelles digressions sur l’aliénation. Le temps. “Ladies From Houston” ancre définitivement cet album dans la moitié basse de son pays. Ecoutez la ligne de basse !

On ne sera pas étonné de constater que le morceau suivant soit resté “Untitled”. Andrew Savage n’a jamais rien composé de similaire, nul doute que son rapport à ce titre doit être très particulier. Il restera à mon sens la grande claque de l’album, un véritable coming out quasi-ecclésiastique ! “Thawing Dawn” clôt les débats sur un nouveau morceau composé pour magnifier la basse, il est le plus single-ish de l’album. Savage I’m freak, dit-il !

Au final, Andrew Savage n’a jamais été aussi proche de nous. Il n’a jamais autant douté en notre présence, ce que les textes, mais aussi la variété de l’orchestration font indéniablement ressortir. Les aspects très sudistes de cet album s’inscrivent dans ce mouvement de renouveau de la folk slowcore trop longtemps restée inactuelle. Andrew Savage est là pour les années à venir, il sera rappelé comme un leader sans artifice. Thawing Dawn sera célébré. Ça prendra sûrement du temps.

Tracklist : Thawing Dawn (LP, Dull Tools, 2017)
1. Buffalo Calf Road
2. Eyeballs
3. Wild, Wild, Wild Horses
4. Indian Style
5. What Do I Do
6. Phantom Limbo
7. Winter In The South
8. Ladies From Houston
9. Untitled
10. Thawing Dawn

Liens :
Article sur Human Performance
Interview Still in Rock avec Andrew

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