Album Review : King Gizzard & The Lizard Wizard – I’m In Your Mind Fuzz (Psych Rock)




Album Review : King Gizzard & The Lizard Wizard

I’m In Your Mind Fuzz


Cela faisait longtemps que Still in Rock ne s’était plus essayé à l’exercice de l’Album Review. Pourtant, lorsque j’ai découvert l’album du jour, le besoin s’est immédiatement fait ressentir tant sa qualité mérite d’être longuement encensée. Et puis, je dénonçais il y a peu (ici) le manque de très bons albums de rock psychédélique en cette année 2014. Nos souhaits ont été entendus. 
King Gizzard & The Lizard Wizard n’est pas nouveau au lecteur Still in Rock. I’m In Your Mind Fuzz est le cinquième album studio du groupe. Il est paru le 31 octobre dernier via Castle Face Records (un signe qui trompe rarement), et vient succéder à Oddments, également paru en 2014. Seulement, si Still in Rock a déjà écrit à plusieurs reprises sur King Gizzard, je vous prie de bien vouloir considérer cet article comme celui sur un groupe nouveau. King Gizzard & The Lizard Wizard vient de faire paraître un des meilleurs albums de l’année, et il est possible que les anciens albums du groupe, certes bons mais loin d’être à ce point exceptionnels, nuisent à la sortie de ce dernier, mais j’y reviendrai.
Il faut dire que même la pochette de l’album, clairement affichée très Halloween, semble cantonner l’album à une longue reprise des Cramps. Que nenni ! On trouve là un King Gizzard & The Lizard Wizard qui révolutionne son art. Le groupe vient nous dire à quel point la mécanique allemande est belle, et à quel point le début des années ’70 était puissant (voir Neu! et autres Hawkwind). Je note sur ce point le très peu de groupes qui semblent réaliser à quel point cette scène est riche et mérite d’être explorée. Chapeau bas à King Gizzard pour l’avoir fait. Les quatre premiers morceaux de cet album font partie des grandes sensations de l’année 2014. Sur fond de Krautrock, ils ressuscitent l’esprit de CAN avec le brio le plus absolu. On y retrouve avec immense plaisir cet aspect très mécanique qui caractérisait cette musique. En cela, l’album est imparable, parce que chaque pièce semble se trouver exactement là où elle le doit.

Seulement, et là se trouve toute la puissance d’I’m In Your Mind Fuzz, le groupe y a ajouté un psychédélisme très originel qui fait de nombreuses fois référence à la musique de Rainbow Ffolly, à celle de The 13th Floor Elevators, mais également à certains The Left Bank, voir à du Count Five. C’est tout ce psychédélisme que King Gizzard a choisi de mêler, dans une mouvance qui rappelle incontestablement le Lonerism de Tame Impala, voir certains Pond, qui place cet opus dans les hauteurs du genre. Place à la critique track-by-track : 

  • I’m In Your Mind : Le début du déluge. La voix de Stu Mackenzie est superbement travaillée et la guitare délivre ses premières envolées lyriques pleines de fuzz. Une chose est d’ores et déjà certain, King Gizzard n’a pas volé le nom de son album.
  • I’m Not In Your Mind : Il enchaine sur des airs d’un Halloween très orientale. Et c’est toujours cette déferlante de psychédélisme mécanique qui continue de nous transcender. Après plus de 5 minutes à nager dans “I’m Not In Your Mind“, on se dit que King Gizzard vient assurément de trouver la formule magique.
  • Cellophane : Introduction de l’harmonica et augmentation d’un cran du niveau de psychédélisme. J’y retrouve certaines phases de Tame Impala, où le son super entubé est soudainement relâché, comme pour recréer la sensation du foetus dans le liquide amniotique.
  • I’m In Your Mind Fuzz : “I’m In Your Mind Fuzz“, titre le plus court de la série, vient finalement conclure cette série remarquable. Il était dans l’obligation d’afficher très vite son ambition, ce qu’il réalise parfaitement. Le son tournoi à toute vitesse, l’expérience est tout à fait nouvelle, splendide.
  • Empty : L’album prend une forme plus classique avec “Empty“. Ce morceau rappelle le Pond de l’album Frond. Il gagne petit à petit en maturité, avant de nous conduire sur un domaine tout aussi aride que fleuri.
  • Hot Water : King Gizzard délivre un très bon morceau de pop en la présence de “Hot Water“. L’expérience y est plus pop, plus douce. Plus africanisant, ce morceau amorce l’arrivée d’un nouveau chemin.
  • Am I In Heaven : “Hot Water” est ainsi suivi de “Am I In Heaven“, un titre de plus de 7 minutes. Nécessairement, après l’écoute des quatre premieres pièces, on s’attend à ce que King Gizzard nous fasse à nouveau exploser les neurones. Nous ne sommes pas déçus. Le titre part tellement vite que l’on se demande si on va pouvoir tenir le rythme. “Am I In Heaven” est le premier à renouer avec toute la puissance mécanique de l’introduction. La fuzz à fond, King Gizzard délivre une pièce majeur du rock psychédélique de l’année 2014. Quelle partie, quel amusement. King Gizzard fait de sa musique un espace ludique dans lequel le groupe peut tout oser.
  • Slow Jam 1 : Dans un style tout à fait différent – et nouveau dans toute la discographie de King Gizzard & The Lizard Wizard – le groupe fait dans une pop détendue. Il le faut bien, après tous les décibels que nous venons d’absorber. Coucou Hendrix.
  • Satan Speeds Up : “Satan Speeds Up” est une sorte de passage temporel obligatoire avant le dernier titre. Je dois m’avouer grisé du fait que, avec une appellation pareille, le titre ne nous transporte pas dans un psyché plus noir. Mais, dans la continuité de “Slow Jam 1“, il demeure fort agréable.
  • Her & I (Slow Jam II) : Le voici le voilà, le dernier titre de cet album. Il répond au doux nom de “Her & I (Slow Jam II)“, et si on espère secrètement une dernière partition de Krautrock, force est d’avouer qu’il nous surprend autrement, pour notre plus grand plaisir. Titre le plus long de tout l’album, je n’hésiterai pas une seule seconde à le classer dans les meilleurs titres de pop psychédélique de l’année. Une dernière fois, on s’extasie sur ce que King Gizzard parvient à délivrer, une batterie jazzy, une guitare wah-wah qui n’en finit pas de réaliser des boucles, et une qualité d’enregistrement absolument parfaite qui laisse place à tout un travail studio dantesque.
I’m In Your Mind Fuzz ne s’est pas fait en un jour. J’y apprécie particulièrement le fait que l’opus eut été pensé comme un concept-album, une longue épopée durant laquelle les coupures sont invisibles. On se laisse transporter dans la musique de King Gizzard en toute confiance, impatient de découvrir ce que le groupe nous a réservé tout au long de la route. Les surprises sont nombreuses tant, confiant de la qualité de ses mélodies, il a expérimenté à tous les autres niveaux : effets studio, présence d’instruments à vent, inspiration de musiques orientales, longues phases de batterie, percussions… King Gizzard ne s’y trompe pas, ce n’est pas un hasard s’il a choisi de nommer cet opus I’m In Your Mind Fuzz. Les Australiens à révolutionner le psychédélisme se comptent désormais au nombre de trois : Tame Impala, Pond, et King Gizzard & The Lizard Wizard.
Il est particulièrement difficile de se rendre compte à quel point les 4 premiers titres de cet album sont géniaux. Et quel statement : le revival de CAN et compères pourrait très bien être amorcé par cet opus qui constituerait alors le point de départ à toute une génération d’artistes. Une fois encore, le seul obstacle à cela est le fait que I’m In Your Mind Fuzz n’est pas un premier opus. Alors, parlez de cet album autour de vous, faites-vous les porte-paroles d’un opus qui le mérite. I’m In Your Mind Fuzz, pour la première fois, crée une nouvelle combinaison de sons, confrontant deux univers a priori irréconciliables : on n’a jamais vu une musique mécanique se coupler avec toute la déconstructionnisme que le psychédélique implique. King Gizzard & The Lizard Wizard crée là une bohème toute nouvelle. Les flower kids, pour une fois, viennent danser avec toute la mouvance allemande. Voilà très clairement le message que délivre cet opus. Et sa forme est trop belle pour ne pas le considérer.

Note : 8,5 / 10 (barème)

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1 Comment

  • sim

    Super disque, merci pour la découverte.

    Ta remarque sur la scène allemande me fait penser à ce disque sorti l'an passé:
    http://www.stonesthrow.com/news/2014/07/madlib-rock-konducta

    Le producteur hip hop (un must du genre) propose sa vision du rock. Un long voyage dans des terres un peu reculées. Pour l'apprécier, il faut avoir l'esprit de bibliothèque. Vagabonder dans un endroit sans savoir ce que l'on trouvera.

    Les pochettes sont trompeuses, l'ensemble est plus original que ce qu'elles laissent imaginer.

    Bref, félicitations pour ton blog.

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