Album Review : Naomi Punk – Television Man (Proto Grunge)









Album Review : Naomi Punk

Television Man




—————–
—————–

French Version

(english below)

Naomi Punk. Still in Rock ne s’est jamais caché d’attendre avec une impatience toute particulière le nouvel album de Naomi Punk. The Feeling, son deuxième opus, est un excellent album qui continue d’occuper de nombreux moments d’une écoute tout aussi attentive qu’admirative. Il faut dire que Naomi Punk a toujours eu d’énormes facilités pour dépeindre un univers qui s’établit avec une incroyable constance. Television Man, le nouvel album du groupe paru le 5 août dernier via Captured Tracks, porte le génie du groupe un tout autre niveau. Premier opus écrit sous l’égide du label brooklynite, Television Man est un chef-d’œuvre absolu. Cet album sera reconnu comme celui ayant marqué l’émergence d’un nouveau genre musical qui était en gestation depuis la création du groupe. Du proto Grunge.

Naomi Punk est ici parvenu à trouver quelque chose de véritablement immortel. L’écoute de Television Man relève non seulement de nombreuses mélodies, mais elle contient également ce petit quelque chose en plus qui se réfère à la notion plus large de l’Art. “Un artiste est un créateur de belles choses” qu’il disait. S’il est alors vrai que “l’artiste peut exprimer toute chose”, Naomi Punk vient ici de témoigner ce que la musique a de plus humain.
Après un honnête travail d’introspection, j’en suis venu à la conclusion que j’étais à ce point ému par l’écoute de Television Man en ce qu’il touche à deux cordes sensibles. La première, Television Man est très mélodique. Et ce n’est pas rien de le dire. Combien de groupes tombent dans le travers de la technicité à tout prix ? Combien de grands noms de la scène semblent avoir oublié que la musique est avant tout une affaire de sentiments ?! La deuxième, cet album est indéniablement avant-gardiste, il ose là où personne n’a jamais osé. A la différence de Slip Away de Total Slacker qui prend le Grunge pour le tirer encore plus loin plus dans ses derniers retranchements, celui-ci influe un changement de direction en y introduisant un Punk New Yorkais qui lui était jusqu’alors étranger. Et puis, force est de constater que cet album est tout aussi poétique qu’extrêmement noir. C’est en partie ce qui le rend si attachant.
Alors voilà, on se dit à chaque écoute de Television Man qu’il est de ce genre d’album qui marque la musique. On ne peut s’empêcher d’être attristé à l’idée qu’il n’aura probablement pas l’impact qu’un Nirvana alors qu’il surpasse (lui aussi) les créations du groupe précité. Mais qui sait, le temps se dit être révélateur du plus grand, croyons le alors sur parole. En attendant, on ne saurait trop se concentrer sur l’écoute d’un album en tout point magique. Et subversif. Naomi Punk porte un nouveau standard qui à de quoi chambouler nos écoutes futures. Ah, si seulement ils savaient, certains verraient cela d’un mauvais oeil. 
Qu’importe. Mesdames et Messieurs, approchez donc et soyez les bienvenus dans le Colisée Naomi Punk. Le combat des gladiateurs s’apprête tout juste à commencer. La soirée sera belle, la soirée sera sanglante. Qu’on les fasse entrer, place à la critique track-by-track :
  • Firehose Face (ici) : Déjà un des meilleurs morceaux jamais composés par Naomi Punk. “Firehose Face” a le mérite de nous plonger immédiatement dans l’ambiance de Television Man. Il est par ailleurs la parfaite illustration de ce que nous confiait le batteur du groupe : “La plupart du temps, la batterie suit directement la guitare dans le but d’occuper au mieux l’espace, et je crois que le son a effectivement un aspect industriel”. Que l’on forge les armes, le combat va commencer.
  • Song Factory : It’s a statement! Naomi Punk n’a rien perdu de sa dextérité à battre le fer, et il semblerait que Patrick Bateman (American Psycho) soit en charge de s’assurer de la finesse de la lame. Ce titre cogne par intermittence comme le groupe aime tant le faire. Et Naomi n’a jamais cogné aussi fort. Le son métallique de la guitare nous prend aux tripes. “Song Factory” est une merveille qui se relève être un atout majeur de Naomi. De plus, avec l’un des sons de batterie les plus intelligents de toute la scène, “Song Factory” se hisse au sommet de la hiérarchie créative.
  • Television Man (ici) : La batterie toujours calée sur le tempo de la guitare est définitivement la touche Naomi Punk par excellence. Le son est plus ou moins identique à celui de The Feeling, toutefois, on remarque que le tempo est largement accéléré, probablement plus proche de leur Naomi Punk paru en 2009. Le label décrit à présent le son du groupe comme étant du Cathartic Punk. Tout est là. L’interlude à 1min55 et le petit riff de guitare qu’il contient est l’un des moments d’extase de l’année. L’excellence est devant nous, elle se tient droite, nous fixe dans les yeux et nous demande : alors ?
  • Plastic World No. 6 : Le premier interlude comme Naomi Punk sait si bien les délivrer.  Une fois encore, Naomi nous entraine avec lui dans le backstage de ses créations, comme il l’avait fait sur The Feeling. On sait depuis l’interview conduit par Still in Rock que ces interludes sont l’oeuvre de Neil Gregerson (guitariste), qui “passe une grande partie de son temps à créer des synthétiseurs sur son ordinateur ce qui lui sert à composer de la musique.”
  • Eleven Inches : Toujours le grunge au cœur, Naomi Punk dévoile un morceau qui se trouve renforcée par la minute que le précède.  Les jeux y reprennent de plus belle, la marche d’une entrée conquérante se faire entendre. La bataille commence alors. Toute une armée de riff contre la voix spatiale de Travis Coster. Le chevalier noir semble être de retour, et Naomi l’a habillé de sa plus belle terreur.
  • California Truth : Le deuxième interlude, et toujours cette même fascination pour une musique floutée qui nous maintien la tête sous l’eau. 
  • Eon of Pain : L’un des ultimes chefs-d’œuvre de cet opus, “Eon of Pain” marquera 2014 avec une force inégalée. L’introduction très aliénante trouve écho à l’entame de la 3eme minute lorsque Naomi Punk décide qu’il est l’heure de changer la destinée du Grunge. Assez étonnamment, il le fait en reprenant des airs de CAN
  • Linoleum Tryst #19 : Le zombie de Kurt Cobain se relève doucement de sa tombe. Il marche dans le cimetière et se dirige à son tour vers le Colisée. Sorte de war grunge décomplexé, Naomi Punk s’éblouit les yeux à la lumière du jour… “I see the sun”. La dernière minute dépasse le splendide.
  • Whirlpool of Anguish : Troisième interlude, celle-ci est plus hachée, en cela plus proche des autres titres. 
  • Rodeo Trash Pit : Rodeo sur le chevalier noir, quasi huit minutes pour un Naomi Punk au paroxysme de toute sa hargne qui exploite parfaitement le temps qu’il s’est impartit. Ressemblant parfois à “Burned Body” de The Feeling, “Rodeo Trash Pit” est avant tout rythmé par les apparitions d’une guitare pour une fois lancinante et romantique. Il illustre une dernière fois à quel point le batteur de Naomi Punk est génial. C’est lui qui toute donne son hardeur à un titre franchement somptueux. Et cette même obsession pour le soleil revient une fois encore, “I Feel The Sun In My Heart“… Ce gladiateur là a été forgé dans le fer le plus indestructible. Échec et mat !


Comme un fantasme, Naomi Punk semble être à la recherche permanente d’une source lumineuse. C’est le leitmotiv de cet opus. Mais le voilà enfermé dans les abysses d’un rock dont la noirceur n’a d’égale que son lyrisme. L’univers de Naomi Punk s’en trouve être trop intense pour que l’on puisse pleinement l’appréhender à chaque nouvelle écoute. Il faut toujours lancer une deuxième lecture afin de se plonger en plein dans une musique sinon trop iconoclaste.
On pourrait décrire la musique de Naomi comme étant tout aussi bien du Proto Grunge que du Post Grunge, que l’on considère le Grunge comme une réponse au Punk (une autre forme musicale qui est apparue en réponse à la vivacité des riffs du Punk) ou comme étant plus proche des styles précurseurs du Punk (ceux ayant causé l’apparition d’une musique plus vive et plus directe). Quoi qu’il en soit, le grunge vient de connaitre son année la plus importante depuis la mort de Kurt Cobain. Avec Total Slacker et Naomi Punk, ce genre marque son grand retour au premier plan.
Il ne faut pas se voiler la face, la lecture de toute critique “trop” dithyrambique est toujours faite de méfiance et scepticisme. Surement est-ce dû à un mélange de fiertés écorchées à l’idée de ne pas avoir pu accéder plus avant à ce qui fait l’objet de tant de compliments, après tout, nous sommes tous des égoïstes en puissance dont l’orgueil imposerait que l’on foule toujours en premier le territoire des plus grandes créations, et de cette obsession que nous avons tous pour l’Histoire et qui nous pousse à toujours relativiser le présent. Pourtant, Television Man est un vrai chef-d’œuvre qui mérite les éloges de ces quelques lignes. L’introduction de chaque titre donne les frisons que les beaux moments de la vie savent nous procurer. Leur existence à de quoi nous réchauffer le coeur. Voilà la  démonstration de ce que la musique est une forme d’art absolument supérieure.

—————–
—————–

English Version



Naomi Punk. Still In Rock never tried to hide its impatience about the releasing of Naomi Punk’s new album. The Feeling, the band second LP, is an excellent one, which keeps on requiring many moments of careful, as well as ecstatic listening. One must admit that Naomi Punk always had ease depicting a universe that establishes itself thanks to an incredible constancy. Television Man, the band’s new album that was released on August the 5th through Captured Tracks, lifts the genius of the band to a whole new level. First album written under the direction of the label brooklynite, Television Man is an absolute masterpiece. This album shall be remembered as the one that marked the emergence of a new musical genre, that I like to describe as Proto Grunge, that was in gestation since the band’s creation.

Here, Naomi Punk has managed to find a truly immortal thing. The listening of Television Man reacts not only from its numerous melodies, but it also contains that little something that refers to the larger notion of the Art. “An artist is a creator of beautiful things” one used to say. Then, if it is true that “the artist can express everything”, here Naomi Punk relates to what music has of humankind.

After an honest introspection work, I’ve come to the conclusion that I was that touched by the listening of Television Man because it strikes two sensitive chords. The first one, Television Man is very melodious. And that’s nothing to say. How many bands have fallen into the flow of technicality at all cost? How many big stage names seem to have forgotten that music is first and foremost a matter of feelings? Secondly, that album is undeniably avant-gardist; it dares to go where no one has dared before. Unlike Total Slacker’s Slip Away, which takes grunge to push it in its last resort, this one influences a change of direction by introducing a New Yorkish Punk that, until then, was alien to it. And then, one has to admit that this album is as poetic as it is extremely dark. This is in part what makes it so engaging.

Thus, one must think at each listening of Television Man that this kind of album is a major news for Music. We can’t help but feel saddened thinking that this album may never have the impact of a Nirvana although it surpasses the creations of the pre-cited band. But who knows? Time is the ultimate judge of greatness; let’s then trust it. In the meanwhile, we cannot over focus on the listening of such a magical album. And subversive. Naomi Punk holds a new standard that may turn upside down our upcoming listening. Oh, if only they knew, some would look upon it with an evil eye.

Note : 9,3 / 10 (barème)

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *