Beck. Je ne doute pas que chaque lecteur de Still in Rock connaisse de nombreux titres de Beck Hansen. Depuis son très célèbre “Loser” paru en 1994, Beck s’est de nombreuses fois réinventé. Cette année, il a fait paraître un nouvel album, plutôt mauvais, comme pour dire au monde entier : “eh, je suis ‘vieux’ maintenant, alors, je fais de la musique de ‘vieux'”.
Seulement, Beck a participé à la révolution de son temps. Ses tous premiers EP/LP sont de véritables statements. Toujours folk, au tout premier sens du terme par lequel j’entend Folk comme la musique du peuple, parfois rap-ish, et toujours poétiques, les premières créations de Beck étaient celle d’un artiste fragile, semi-clodo, loin du shinny avec lequel il entoure à présent sa musique. Golden Feelings (1993) et Mellow Gold (1994, un album plus classique généralement présenté comme étant la première masterpiece de Beck, excellent au demeurant) sont des opus qui ne faut pas prendre à la légère. On y découvrait un Beck inventif, Punk, insaisissable.
Cet article a pour ambition de dresser le portrait du Beck perdu de One Foot In The Grave (1994), à mon sens son tout meilleur album. On y trouve une musique acoustique d’une rare intensité. Si le mot brut ne suffit probablement pas à décrire l’état d’absolu minimalisme de ces quelques titres, on y encapsule pourtant ce qui fait de One Foot In The Grave un opus à part. Il n’a jamais été question de composer cet album pour un auditeur. Beck avait simplement délivré ce qu’il avait dans ses tripes, sans se soucier plus avant de tout le reste. Ce que devraient être tous les albums de musique, des déclarations d’amour de chaque artiste à leur art, et fuck le reste.
Produit par le légendaire Calvin Johnson, on y trouve assurément son influence tout au long de l’album. Non seulement présent sur plusieurs titres, à l’image de “I Get Lonesome“, Calvin avait posé sa patte sur un album qui traduira parfaitement le spirit de ces petits villages américains entièrement faits de bois. Paru sur K Records (nom que Kurt Cobain s’était fait tatouer le nom sur le bras, le label de Calvin qui a aussi compté The Make-Up), cet album est fait pour les ambiances feutrées, pour les rencontres et le recueillement autour d’une tasse de café. Correction. Cet album feutre l’ambiance, il transforme l’atmosphère.
He’s a Mighty Good Leader“, premier titre de cet album, nous jette immédiatement son minimalisme folk à la figure, ce qui fait que les premières écoutes sont difficiles, et, surtout, spéculatives. “Sleeping Bag” nous berce un peu plus encore, et le contraste avec l’unique partition ultra saturée de l’album, “Burnt Orange Peel“, nous perd définitivement dans les plus grandes théories quant au processus créatif ayant conduit à cet opus. Plus loin, on trouvera “Ziplock Bag“, une phase expérimentale qui rajoutera à la stupeur que l’on a à traverser cet album.
Cyanide Breath Mint“, le premier titre qui parle directement à son auditeur comme ce sera souvent le cas sur One Foot In The Grave, est assurément l’un des chef d’œuvres de cet album. Il n’en faut pas plus qu’une minute et trente secondes, une seule guitare et une voix d’une profonde gravité pour que la mélodie soit à jamais inscrite dans notre esprit. C’est peu de le dire, mais Beck parvient ici, comme sur de nombreux autres titres de cet album, à inscrire ses titres au fer rouge, nous les injecter par intraveineuse.
Hollow Log“, dans un style plus doux, est le récit d’un vieille homme qui traine lentement sa croix dans la poussière texane. “Walk ’til you’re restless; Sleep ’til you’re tired; Wake up without thinking; You’re the one I desire“. Ou peut être simplement une nouvelle philosophie de vie. C’était en tout cas celle de Beck, et celle de cette génération ’90 qui, pour la première fois, assumait sa paresse, une véritable révolution. Et comme pour rappeler sa recherche constante d’une extrême simplicité, “Fourteen Rivers, Fourteen Floods” nous plonge en plein dans un blues fabuleux où l’indolence n’a plus de limites.
Asshole” vient nous convaincre de toute la poésie que contient cet album. “Your brains went black; When she took back her love; And put it out into the sun; The birds did fly“. Un titre plus agressif que les autres, là où “Question marks stretched across her skin”. Ce titre est particulièrement intéressant car il participe à cerner le personnage Beck de l’époque, un artiste sans trop de confiance, plongé dans le doute et la défiance. On retrouve ce même état d’esprit sur “Girl Dreams“, lorsque Beck nous confie : “You’re just the girl of my dreams; But it seems my dreams never come true“, ce qui avait aussi fait toute la force de “Loser“. Et une fois encore, loin de ne pas embrasser les clichés, ce titre aide à mieux appréhender ce qui a fait toute la nostalgie de ces années-là. One Foot In The Grave se conclut finalement sur Atmospheric Conditions” (je ne parlerai pas ici de l’Expanded Deluxe Edition Bonus Tracks de 2009 qui contient de nombreux titres supplémentaires) qui fait réapparaitre Calvin et un peu de guitare électrique.
One Foot In The Grave restera à jamais comme l’un des temps forts de la carrière de Beck. Il y a affirmé tout son talent de songwriting. Il y a gagné tous ses galons, d’un coup d’un seul. Il y a marqué une génération. À nous de savoir perpétuer le génie qui s’y trouve.
(mp3) Beck – Hollow Log (1994)
Liens afférents :

 

2 Comments

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *