J’ai souvent posé la question durant mes interviews : l’émergence de scènes est-elle toujours possible dans le monde hyperconnecté qui est devenu le nôtre ? La réponse a souvent été négative. Il y a bien quelques exceptions, Melbourne en est un bon exemple, mais force est de constater que les scènes locales ont moins le besoin de se serrer les coudes pour exister, parce qu’elles peuvent concentrer leur énergie sur les réseaux sociaux. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou non (je garde ce sujet pour un autre jour), mais je veux aujourd’hui faire l’apologie de la scène hardcore de Washington D.C., également appelée harDCore, parce qu’elle ne pourrait probablement plus émerger en 2020s en dépit de sa nécessité.
Cette scène, c’est celle de l’anti-establishment dont je parlais à l’occasion de mon article sur Coriky. C’est celle des artistes bloqués dans la capitale qui ont instrumentalisé la politique de la Maison-Blanche. C’est l’une des scènes les plus politiques de l’histoire du punk bien qu’elle n’ait (presque) jamais parlé que de politique comme mode de vie sans jamais rentrer dans le jeu de la politique des partis.
Si les noms de Minor Threat et Fugazi viennent nécessairement à l’esprit, il faut également citer l’importance de Dischord Records dans l’émergence du harDCore. Le label créé par Jeff Nelson et Ian MacKaye (deux anciens de Minor Threat) a sorti plus de 500 albums; il ne semble pas prêt à s’arrêter. Et il y a bien plus. Le D.C. harDCore est intimement lié au mouvement straight edge sur lequel je reviendrai bientôt. Cette scène à l’apparence skinhead véhiculait un message d’amour, d’abstinence (sauf sexuel) et de bienveillance géopolitique (une scène anti-guerre à coup de mélodies war punk).
Le D.C. hardcore est donc un véritable ovni, un mouvement difficile à saisir qui nécessitait que l’on s’y éduque. C’était un mouvement non instantané, ce que les réseaux ont bien buté. Je veux le célébrer pour cette raison, aussi, parce que c’est la scène d’une vie sans affrontement, malgré son identité hardcore. C’est une scène qui est difficile à catégoriser qui échappe à nos préconçus qui n’ont jamais été aussi fort que dans le nouvel Empire que nous traversons. La scène harDCore aurait probablement subi les foudres du mouvement “cancel culture”, parce qu’il eut été facile de la diaboliser. Elle est pourtant le symbole d’une union.

Il y a quelques semaines à peine, l’ancien leader du groupe Edsel (Sohrab Habibion) faisait paraître pour la première fois 60 vidéos de concerts filmés entre 1985 et 1988 à Washington D.C.. Elles sont toutes disponibles à ce lien : ici. Je ne peux résister à l’envie de reproduire la vidéo des Fugazi : 

Et voici donc ma mixtape dédiée à la scène punk de Washington D.C. Elle vise plus large que le harDCore, mais je voulais qu’elle encapsule une partie de cette scène disparue depuis longtemps, et qui nous manque. Reviens !

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