Anachronique : Pansy Division (Gay-Punk)


Pansy Division, c’est le premier groupe de rock’n’roll gay – ouvertement gay, aux paroles gay et à l’attitude gay. Samedi dernier se tenait “pour la première fois en Europe, une soirée queercore / gay-punk est organisée pour faire valoir les droits de tous les fidèles d’Hunx & His Punx” (lien). En qualité de co-organisateur, je voulais donc revenir sur cette scène qui reste trop peu connue. Surement est-ce un échec qu’elle doit constater aujourd’hui.
Pansy Divison partait du constat suivant : “la nature du rock’n’roll est hétérosexuelle“. Hm. Cela impliquerait donc qu’il faille qu’il soit “contre nature” ? Visiblement. Il faut dire que le début des années 90s se caractérise également par l’arrivée du Riot grrrl qui redonne le pouvoir au sexe féminin. L’époque est donc au rock sexualisé. Tout était là pour que Pansy Division explose, ce qu’il a rapidement fait. 

Son premier album, Undressed, sort en 1993 via Lookout! Records. Il résulte d’une annonce : cherche musicien gay qui aime Buzzcocks. Il dit être politique et mélodique. Les Pansy Division cherche quelque chose de plus qu’une simple self gratification. Ils veulent que l’on sache que le punk n’est pas réservé qu’aux hétéros, et pour cela, ils surjouent leur sexualité. Ils provoquent. Les pochettes font apparaître des bites, les paroles parlent de lapins qui *******, bref, Pansy Divison ne veut pas faire dans la dentelle – il fait dans le dildo, en revanche.

Cette démarche conduit le groupe à ouvrir pour Green Day en 1994, t-shirts à bites et paroles fellation-ish sur scène. Pansy Divison jouera ainsi Madison Square Garden. Le choc est immense, la scène adolescente débilos est confrontée à autre chose ! Ils gueulent “bandes de pédé” et les Pansy répondent : beh ouais ! Ils exultent. Ces anectodes et bien d’autres sont détaillées dans l’excellent documentaire intitulé Pansy Division: Life in a Gay Rock Band (ci-dessous). Pour ma part, je m’en vais désormais me concentrer sur la musique du groupe.

Versatile” commence en douceur, on entend déjà la très forte affinité pop des Pansy et quelques histoires de pipes. “Fem in a Black Leather Jacket” fait office de générique de promotion de l’homosexualité dans un style à cheval entre le seventies des Damned et le nineties de la scène pop-punk. Et vient ensuite “Bunnies“, l’un des hits de Pansy Division. La qualité de l’enregistrement est un peu à la peine, il faut dire que les trois premiers albums du groupe ont été enregistrés pour moins de 5.000 dollars. Mais l’essentiel n’est pas là.

Boyfriend Wanted” – un descendant des Judies ? – tire presque sur de la power pop – de la bubblegum, a minima. Et l’espect générique de la musique des Pansy reprend avec “The Story So Far“. C’est un peu comme si le groupe voulait promouvoir tout ce qu’il peut y avoir d’excentrique dans la culture gay. On imagine la vidéo qui va avec, culture MTV.

The Cocksucker Club“, c’est du punk qui fonctionne à la perfection, le côté teenager qui est renforcé sur ce titre accompagne parfaitement ces paroles hésitantes. “Crabby Day” – mais de quoi parlent-ils ? – c’est l’histoire d’un cadeau laissé dans les “poils pubiens”. “Luck of the Draw” fait un joli retour à la power pop late 70s, quant à “Rock & Roll Queer Bar“, ils se passent de commentaire, c’est du Ramones à la sauce gay. Excellent ! Et puis, d’une façon assez surprenante, les Pansy font ensuite dans le shoegaze avec “Surrender Your Clothing“, on croirait entendre du Galaxie 500. “ANTHEM” conclut le tout avec grâce, celles de punks qui transpirent et qui aiment se frotter les uns contre les autres. Les Dictators n’ont qu’à bien se tenir, voici l’hymne des Pansy ! Les paroles sont absolument fameuses, voici un court extrait :

We’re here to tell you, ya better make way
We’re queer rockers in your face today
We can’t relate to Judy Garland
It’s a new generation of music calling
We’re the buttfuckers of rock & roll
We wanna sock it to your hole
With loud guitars, we’re gay and proud
We gonna get ya with your pants down

Au final, Undressed est un très bon album pour deux raisons au moins : ses mélodies et son message. La production pêche un peu, mais les Pansy sont trop pop pour que l’on puisse leur résister. Ils sont provocateurs, ils en font beaucoup, mais c’était nécessaire à l’époque – malheureusement, pas si lointaine. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui le rock’n’roll est toujours un genre sexualisé et, surtout, hétérosexuel. C’est là l’échec de Pansy Divison et cette scène qui n’a pas réussi à faire changer le paradigme.

Alors, je m’en vais demander à mes amis gay s’ils connaissent Pansy Divison. Je crains que la réponse ne soit négative, mais peut-être est-ce normal : les Pansy se sont de plus en plus centrés sur l’aspect politique de leur musique. Dans une scène où être gay n’est plus un fait, il est logique que le groupe perde son écho. Bien entendu, je résonne là comme un parisien enfermé dans son cercle, persuadé qu’il doit être difficile d’être gay et de jouer dans un groupe de punk dans certaines bourgades françaises. Il faut donc que j’élargisse mon enquête. L’échec des Pansy est-il dommageable ? Est-il toujours utile ? Je vais tâcher d’y apporter une réponse.

(mp3) Pansy Division – The Cocksucker Club (1993)
(mp3) Pansy Division – Luck of the Draw (1993)

TracklistUndressed (LP, Lookout! Records, 1993)
1. Versatile
2. Fem in a Black Leather Jacket
3. Bunnies
4. Boyfriend Wanted
5. The Story So Far
6. Hippy Dude
7. Curvature
8. The Cocksucker Club
9. Crabby Day
10. Luck of the Draw
11. Rock & Roll Queer Bar
12. Surrender Your Clothing
13. ANTHEM
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