Anachronique : Maggie Estep (Spoken Grunge)

 

Maggie Estep était une poète originaire du New Jersey (1963 – 2014). L’histoire débuta lorsque MTV filma l’une de ses récitations publiques. Face au succès, Maggie intégrera la lineup de Lollapalooza, en 1994. Deux albums naitront de cette expérience, No More Mr. Nice Girl (1994) et Love Is a Dog From Hell (1997). Sa première nouvelle, Diary of an Emotional Idiot, paraîtra la même année. Cinq autres suivront.J’ai souvent fait référence à la Beat Generation dans les articles de Still in Rock, mélange d’obsession et d’influence réelle. Avec Maggie Estep, cette mouvance littéraire et artistique avait trouvé une nouvelle incarnation. Maggie était largement attachée au groupe de Neal Cassady, ce que l’on retrouve à chacune de ses lignes, à la façon de Steven Jesse Bernstein. On la retrouve ainsi sur l’excellent Kicks Joy Darkness: A Tribute to Jack Kerouac, paru en 1997. Il faut dire qu’avoir eu William S. Burroughs comme professeur de littérature a dû aider à développer une certaine addiction pour ce mouvement.

Hey Baby“, le premier titre de No More Mr. Nice Girl, illustre l’idéal féministe de Maggie Estep. Ainsi la voit-on déambuler dans une ville, défiant les truands avec un aplomb sans faille.

Et puis, n’oublions pas que Maggie Estep était proche du grunge, ce que l’on retrouve avec “My Life of Gardening“. Mais bien entendu, l’un des titres phares de toute la discographie de Maggie Estep est “Fuck Me” qui restera comme l’un des symboles de ce que représentait Maggie Estep : une artiste engagée, tranchante, provocatrice et fière de son art. En voici un couplet :

Sado Masochism’s relationship
to classical philosophy
tell me how this stimulates
the fabric of most human relationships,
I love that kind of pointless intellectualism
so do it again and
Fuck Me.

 

Sex Goddess of the Western Hemisphere” s’inscrit dans une mouvance similaire. Ce titre évoque la relation de chacun avec sa sexualité, et une fois encore, Maggie y trouve une signification politique.
The Stupid Jerk I’m Obsessed With” se veut également être une attaque contre ses propres désirs.

I Swear“, titre de 30 secondes à peine, mérite que l’on s’y attarde un peu. Faites l’expérience. Enfin, “Bad Day At The Beauty Salon“, le petit dernier, est également l’un des meilleurs morceaux de cet opus. L’histoire du little Susee sandwich nous traîne dans les bas-fonds d’un club de strip-tease. Madonna en prend un coup au passage. Ce titre est en réalité (en partie) autobiographique, émanation d’une époque où Maggie était strip teaseuse et, au passage, accroc à l’héroïne.

Au final, No More Mr. Nice Girl raconte souvent l’expérience de vie qu’a eu Maggie Estep à New York, on y croise des weirdos, des zonards et autres ‘mauvais garçons’.

Love Is a Dog from Hell, titre d’un livre de Charles Bukowski et deuxième LP de Maggie Estep, est souvent décrit comme meilleur, je pense à tort. Il contient toutefois plusieurs excellents morceaux. Dans l’ensemble moins grunge, il laisse cependant place à quelques moments saignants, à l’image de “I’m an Emotional Idiot“. Et puis, cet LP features une excellente reprise du titre de Lou Reed, “Vicious“. Maggie en fait un morceau plus sensuel encore, sorte de porno chic à ne pas manquer. Si certains autres titres font apparaître le nouveau son de Maggie Estep, comme le fait “Fireater“, on en retourne très rapidement aux sonorités les plus rock’n’roll.Plus que pour sa musique, sorte de prétexte à la récitation de ses textes, Maggie Estep restera comme l’un des principaux icônes de la Gen-X. Elle aura participé de la popularisation du slam, aura accompagné l’ascension d’artistes tels que Henry Rollins (Black Flag), aura donné vie à l’East Village de Manhattan, au Nuyorican Poets Cafe, à ces rues d’une génération d’artistes animée par la lutte sociale. Sa fascination pour les rues sombres et dangereuses se retrouve souvent, à travers ses nouvelles, ses écrits sur Legs Diamond, son attrait constant pour des sujets qui référençaient la déchéance. Oui, Maggie était tombé amoureuse de New York en 1971, le jour où elle “I saw dozens of people blithely stepping over a dead body on a sidewalk“.

Il y avait en Maggie le symbole de cette génération perdue, la première du 20ème siècle à ne pas savoir qu’elle était sa destinée. Cette génération aura finalement accouché de la génération Y. Maggie est en l’un des pères.

Son post-punk restera dans les mémoires de tous. Il en va de même pour ses textes que vous trouverez dans plusieurs anthologies, dont The Best American Erotica et Brooklyn Noir 2. Et puis, son blog est toujours en ligne, avec le texte publié quelques jours avant sa mort, “Strippers, Sluts & Umlauts“. Tels étaient ses derniers mots : “and that is the story of the Great Umlaut Cake of slutdom and three ex-strippers sitting at a table“.

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