La Villette Sonique 2018… côté Village Label

Du 25 au 30 mai dernier se tenait la Villette Sonique 2018.
Still in Rock publie l’écrit d’un label indépendant qui était au “Village Label”.
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Dans quelques années, peut-être nous souviendrons-nous du Village Label de la Villette Sonique avec nostalgie. Cette édition 2018 a en tout cas été très compliquée pour nous les labels indépendants. Soyons honnêtes : 2017 fut également compliquée. Les mesures anti-terrorisme ont contraint les organisateurs à devoir envisager des lieux qui puissent être circonscrits et aux accès contrôlés. L’année dernière, le lieu était particulièrement tristoune, coincé à un coin excentré de la Villette sur une dalle de béton à côté du périphérique. Nous en avions un peu souffert, mais nous avions aussi conscience que les organisateurs n’avaient pas pu faire autrement et agi au mieux de leur possibilité dans un délai très court. L’événement en lui même, quoi que bancal, ne se passa pas si mal que ça, enfin en tout cas rétrospectivement par rapport à l’édition qui vient de se terminer.
Il y a quelques mois, Étienne Blanchot claquait la porte de la Villette Sonique, festival dont il portait la programmation depuis les débuts. Il a depuis monté un autre festival en quelques semaines à la Station (Ideal Trouble). L’affaire fit un certain bruit dans les cercles indépendants, la programmation échoua à une nouvelle équipe composée des tourneurs Super et la Route du Rock booking. Le premier est en particulier connu pour s’occuper du Pitchfork festival, également à la Villette, détail important pour la suite. Coté labels, beaucoup d’interrogations forcément. La nouvelle équipe arriverait-elle à maintenir l’esprit si particulier ? Comment la programmation s’articulerait dans cette période de transition (une partie de la programmation était déjà bouclée) ? Le lieu du village label serait-il le même que l’année dernière ? Des questions sans réponses au départ, mais nous avons presque tous fait le pari de venir.
Il faut dire que la VS représente pour beaucoup d’entre nous, une superbe exposition et une rentrée d’argent importante. La maille est le nerf de la guerre pour la majorité de nos structures qui s’autofinancent à partir des ventes de disques. La visibilité est aussi étonnante. Chaque année à l’annonce des labels, nous recevions tous des démos et pas mal de nouveaux likes ! Ajoutons la géniale démarche de faire une scène dédiée, showcase à ciel ouvert pour nos productions. Bref la VS nous traitait super bien et il était enthousiasmant de se déplacer ces deux journées, compensant largement la fatigue, le cagnard, les longues heures debout… La VS nous donnait l’impression de faire parti de l’aventure du festival, une certaine fierté. Je ne suis aujourd’hui pas si sûr que notre rôle soit aussi important aux yeux de la nouvelle équipe, en tout cas le week-end dernier nous a plutôt prouvé le contraire.
Le lieu était bien mieux que l’année dernière et pourtant nous avons tous vendu nettement moins qu’en 2017 ou les années précédentes. En ce qui nous concerne, le ratio est de 1 à 2 avec l’année dernière et 1 à 5 par rapport à notre record. Comment analyser cette différence dans des conditions qui sur le papier semblent meilleures ? Peut-être n’étaient-elles pas si bien que ça… Le premier truc qui a fait tiquer beaucoup d’entre nous : la musique. Largement dominé par une musique électronique de club, ça tabassait ! Le pire fut certainement le dimanche où pendant plusieurs heures, le BPM filait à toute allure, les kicks saturés martelaient sans répit. Le public était aussi différent : plus jeune que d’habitude et “ailleurs”, pour utiliser un euphémisme. Ils avaient d’ailleurs du mal à respecter les stands, n’hésitant pas à créer des passages pour accéder à la butte sans se soucier des exposants.
Sans faire les vieux réactionnaires, ni les allergiques à la musique électronique, l’omniprésence des djs sets lors de ces deux jours laisse un goût amer. Cette scène était-elle encore réellement dédiée à présenter les groupes/artistes des labels présents ou s’agissait-il simplement d’avoir une troisième scène ? Beaucoup de labels ont en tout cas ressenti le décalage entre la programmation et leur propre production. Bien sûr ça a toujours été le cas, mais cette année plus que jamais. Les mauvaises langues diront que la dissonance vient de notre intérêt à beaucoup (de labels) pour cette chose ringarde qu’est le rock (au sens très large : drone, garage, post-punk, indie-pop, synthpop, soul, shoegaze, musique électronique expérimentale…) quand l’époque est à la techno et au rap. Ce ne serait pas faux, mais aussi largement en décalage avec l’identité de la programmation du village label les autres années qui justement représentait un îlot de diversité pour tout un tas d’expressions musicales moins à la mode.
D’une manière générale, sans que cela soit facile à expliquer, nous avons eu l’impression de servir d’alibi cette année, de caution indépendante pour montrer que l’esprit était toujours là. D’être une survivance du passé difficile à écarter politiquement parlant. Il faut dire que c’est à la mode de reprendre des noms évocateurs tels des coquilles vides et essayer d’y inscrire d’autres sensibilités. De Vice à Magic en passant par Rock en Seine, la saison 2017-2018 n’a pas manqué d’exemples probants de médias dont les orientations ont radicalement changé accompagnant des gros remaniements d’équipes… Questions aux organisateurs : voulez-vous vraiment de nous, les labels indépendants ? Est-ce que nous vous faisons chier ? Supprimer ou mieux penser l’événement, la copie est à revoir pour l’année prochaine.

Jean-Michel Empathie

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