Honey Bucket: post-punk sans robots (youpi)


Honey Bucket, c’est un titre des Melvins, album Houdini (1993). C’est également un groupe originaire de Portland qui vient de faire paraître son 6ème album via See My Friends Records. Après être passé dans l’écurie Burger Records, puis dans celle de Gnar Tapes, Honey Bucket semble être décidé à se tourner de plus en plus vers le post-punk. C’est une excellente nouvelle tant il excelle dans le genre, sans jamais tomber par ailleurs dans le cliché du groupe obsédé par les riffs mécaniques.

Lo-fi (mid-fi par moment), Honey Bucket joue la carte du groupe qui veut emporter l’adhésion avec ses mélodies plutôt qu’après une production à la The Fall. Cela le sauve de l’album super glacial dont aucune émotion ne se dégage. Avec Honey Bucket, on est plus proche de Television Personalities et de Richard Hell que des tubes en plastiques de la scène T.V. anglaise. Ses titres sont chauds, un peu salis par la poussière et finissent par frôler le post-skate.


C’est avec “Art Of Living” que Honey Bucket explique le concept de son album. Il parle de “packaging of life”, une référence à son Furniture Days : il faut meubler nos vies pour ne pas se poser les questions qui comptent véritablement. Daco. “Far Side” enchaine dans un même élan post-punk. A ce stade, l’album est relativement mécanique, seulement, la voix nonchalante vient contrebalancer cette attitude super directe. Et “Don’t Pass Me By” de compléter ce trio introductif avec trois minutes pulsionnelles. Je ne suis toujours pas convaincu. 

Mon attitude commence à changer avec “English Garden“. Je commence à apercevoir quelque chose d’autre, de moins spontané. C’est ce que confirme “Terra Cotta Forest“. C’est à ce stade que Honey Bucket se départit du monde des robots pour aller chercher du proto-punk à la Dow Jones & the Industrials. La deuxième minute fait vriller l’album dans une nouvelle dimension. Il exploite alors tout l’espace sonore sans se contenter de la conduite automatique de l’introduction. Et que dire de “Toaster Oven” sinon qu’il accentue cette tendance ? C’est ici qu’Honey Bucket est post-skate.


Vient alors “Furniture Days“, le titre qui se rapproche le plus de Gang of Four. Honey Bucket est flamboyant lorsque sa musique est proche des Homosexuals. Il est frôle le “Art Rock” (drôle d’appellation par ailleurs, comme si certains genres du rock n’étaient pas artistique). Il frôle la fête underground de la fin 70s.

Ouiiiiii, allezzzz, ouiiii, va sur du post-skate, vaaaa. C’est “Nantucket Morning” qui me donne tant d’espoir. Ce titre est le parfait exemple de ce que le post-punk peut de mieux, lorsqu’il est chaleureux et qu’il évite les robots qui ont fini par buter la scène post-punk. Et “In The Countryside” de surenchérir, le combo est avec le titre qui le précède forme le temps fort de l’album. Honey Bucket fait, une fois encore, ce que trop peu de groupes de punk et post-punk essaient d’accomplir : une longue phase instrumentale. C’est un peu comme si Honey Bucket s’était forcé à produire un morceau de plus de 6 minutes et qu’il l’avait finalement condensé. Le résultat est fulgurant. On danse. Et o danse toujours sur “Goes On Home“.

Quant à “Masquerade“, il donne la touche british qui va bien. Une chose est sure, Furniture Days est plus anglais qu’il est américain. Les Honey Bucket semblent avoir quitté leur enveloppe corporelle pour d’autres cieux. Nous, on reste planté là, sur terre, comme des cons.


Au final, la seconde moitié de l’album frôle ce que l’on peut entendre de mieux en matière de post-punk, toutes époques confondues. Honey Bucket, lorsqu’il délire un son chaleureux avec des chorus renforcés, est l’un des meilleurs groupes du genre. Il mérite alors les acclamations de chaque recoin de notre petite planète. Il mérite de faire danser les punks sans chien, les grands-mères tatouées, les prep boy rebelles et les amoureux. Il mérite de dynamiter les autres. Le post-punk a de beaux jours devant lui, encore faut-il qu’il soit connecté à l’humain, qu’il s’éloigne autant que faire se peut de la musique électronique et de tout ce qu’il y a d’automatique. Le post-punk peut être une réponse à l’automisation de la société, parce qu’il peut lui parler, la comprendre, et la buter. Vive le post-punk à la façon d’Honey Bucket, vive Honey Bucket.

Tracklist: Furniture Days (LP, See My Friends Records, 2018)
1. Art Of Living

2. Far Side
3. Don’t Pass Me By
4. English Garden
5. Terra Cotta Forest
6. Toaster Oven
7. Furniture Days
8. Nantucket Morning
9. In The Countryside
10. Goes On Home
11. Masquerade

Liens:

Article sur Lars Finberg
Article sur le nouveau Idles

Post a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *