Car Seat Headrest : le geek et le punk

Cela fait un moment que je promets un article sur Car Seat Headrest. Ce groupe originaire de Seattle est le projet de Will Toledo, un geek de la scène indépendante américaine qui fait des siennes depuis 2010. Son dernier LP, Teens of Denial, a beaucoup fait parler en 2016 et si je décide de m’y aujourd’hui seulement, c’est parce que j’ai le prétexte de la session KEXP. 

L’album
Le geek, bien trop sérieux et too much
Disons le d’entrée, Teens of Denial est assurément un album qui aurait mérité une place quelque part dans les articles de l’an dernier. Seulement, cet LP est à mon sens très inconstant et j’avais d’autres chats à fouetter – du style… plus constant, ou alors… plus fun. Surtout, Car Seat Headrest fait parfois preuve d’un mauvais goût qui m’avait un peu repoussé – voix forcée, airs de groupes indé too much – et je ne voulais pas me plonger dans l’écriture d’un article qui explique les bienfaits de sa musique. Mais à présent, trêve d’explications. 
Vous l’aurez compris, en dépit de ses défauts, Teens of Denial, mérite bien votre attention tout entière. Je fais ici un tri rapide que les fans du groupe me contesteront assurément : “Fill In The Blank” est trop cliché, la voix ‘microphonée’ de “Vincent” fait penser à Muse (erk, je sais), “Destroyed By Hippie Powers” semble être pompé sur les Strokes – idem pour “Unforgiving Girl (She’s Not An)” – et “Cosmic Hero” joue (mal) l’opéra rock moderne à la Bon Iver.
Ouais, mais il y a aussi quelques morceaux bien plus percutants. “Just What I Needed/Not Just What I Needed” en fait indéniablement partie, la mélodie est bien trouvée et il nous plonge dans une musique pop rock plutôt assez facile, mais efficace. “1937 State Park” fait également état d’une sacrée maitrise, tout comme “The Ballad of the Costa Concordia“‘ qui mettra d’accord tous les mélomanes qui passent par ici. On s’arrêtera surtout sur “Connect the Dots (The Saga of Frank Sinatra)“, un morceau à la Parquet Courts qui nous donne envie un peu de punk. 
Au final, Teens of Denial est souvent bien trop cheesy, il en fait parfois des caisses pour pas grand-chose et se donne un faux genre milieu 2000′ qui lui va mal. Ça, c’est pour ce que va pas. Dans le même temps, il faut reconnaître à Car Seat Headrest un côté ingénieux qui sait également faire des étincelles. On regrettera donc que le groupe n’ait pas décidé d’aller plus volontiers vers le punk à tendance garage qu’il maitrise pourtant très bien. 

La session KEXP

Le punk, nerveux et performant

À ce stade, vous êtes en droit de vous demander : à quoi bon cet article ? Et bien, la session KEXP publiée la semaine dernière y est pour beaucoup. A la différence de la version album, le groupe introduit son set avec “Vincent” qu’il magnifie d’un son bien plus brut que dans sa version studio. On passera d’entrée sur le style plutôt risible de Will Toledo – qu’a-t-il voulu prouver ? – pour se concentrer sur une musique à tendance post-industrielle qui porte en elle les séquelles d’un groupe qui semble avoir vécu. Mais pourquoi ne pas avoir délivré quelque-chose d’aussi nerveux sur l’album ? Beaucoup souffrent d’être trop mal produits, mais Teens Of Denial a assurément le défaut inverse – trop produit. Le son de la guitare est bien meilleur sur ce premier morceau qu’il ne l’est jamais dans tout l’album. 
Et le même constat vaut pour “Destroyed By Hippie Powers“. Il ne reste que deux possibilités à ce stade : soit le groupe est sponsorisé par Redbull qui l’aide à délivrer ses lives, soit il a enregistré son album à l’aide du label miteux de Julian Casablancas – vous savez, celui qui transforme les Growlers en un plagiat de Is This It?. Toujours est-il que Car Seat Headrest en profite pour expérimenter un peu, c’est Thurston Moore qui serait content. Les enchainements sont également irréprochables, bref, c’est très fort ! 
Après une petite conversation avec Cheryl Waters, le groupe reprend sur “Cosmic Hero“. Je passerai sur le plagiat de Pavement – c’est pas très grave, après tout, de plagier le meilleur – pour noter que Car Seat Headrest s’inscrit assurément dans la mouvance nineties, une fois encore, en live plus que sur l’album. La dernière reprise est d’un très haut niveau. 
Et parce que Car Seat Headrest n’en est pas à sa première contradiction, c’est sur “Connect The Dots (The Saga Of Frank Sinatra)” qu’il performe le moins bien, c’est à vrai dire un peu plat, peut être que Will Toledo commence à fatiguer. “Motorway to Roswell” clôt la marche, cette fois-ci sur une copie de Silver Jews rencontre Built to Spill rencontre Dinosaur Jr. Et ça le fait, toujours parce que le groupe est à son meilleur lorsqu’il ose un punk plus garage-ish que son pop-punk mal senti de l’album. La dernière phase est plus sensationnelle qu’autre chose, voilà bien une belle session KEXP, de quoi assurer quelques salles combles pour sa tournée européenne (n’est-ce pas ?).

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