LP Review : The White Stripes – The Complete John Peel Sessions (Garage Rock)




The White Stripes. Toutes les excuses pour parler des White Stripes sont de bonnes excuses.

J’ai déjà écrit plusieurs odes à l’amour sur Jack White, assumées comme tel. Si la majorité du journalisme papier ne peut pas se permettre de se détacher de son objectivité, au moins en théorie (quelle mascarade), Still in Rock défend plus de subjectivité. Et puis, comment parler de subjectivité en matière de Jack White. La scène garage ne serait pas celle qu’elle est sans les White Stripes, it’s a fact. Je m’étonne toujours de constater avec quelle aisance les critiques nous rassasient le nom de Ty Segall comme influence première (en tout bien tout honneur, il est immensément influent) sans jamais citer celui de Jack. Qu’importe, chacun sait ce qu’il lui doit. Chacun sait l’exploit que constitue le fait de créer un nouveau son de guitare électrique alors que l’instrument existe depuis déjà 50 ans (techniquement bien plus, mais parlons de l’arrivée des pédales & co…).

Trêve de pèlerinages journalistiques, allons à la substance. Il y a quelques jours à peine, le groupe a fait paraître pour la première fois l’intégralité de ses sessions Peel (deux sessions, le 25 juillet 2001 et le 8 novembre 2001), toutes réalisées à l’occasion de la sortie de son album White Blood Cells. À l’époque, le groupe tourne depuis 4 ans déjà (voir ses Live at The Gold Dollar et Live on Bastille Day de 1997) et maitrise son art comme jamais. 

Cet album, The Complete John Peel Sessions, est composé de 29 morceaux. S’il l’on connaît chaque version studio sur le bout des doigts, on se délecte de l’ensemble pour la raison qui fait des White Stripes un groupe si génial : la capacité de Jack White de délivrer une nouvelle interprétation de ses morceaux à fois qu’il prend sa guitare en main. Notre plaidoyer pour l’expérimentalisme trouve une nouvelle traduction. Si Jack White ne s’engage que rarement dans de longs jams, il n’en demeure pas moins que le son de sa guitare est une excuse perpétuelle pour aller chercher ce qui n’existait pas jusqu’alors. Garage et solos sont compatibles, garage et mélodies sont compatibles, garage et inventions sont compatibles, en voici la preuve par A + B.

La première session, datée du 25 juillet 2001, est introduite par “Let”s Shake Hand“. Ça tape déjà fort mais je crois que la version de “When I Hear My Name” est particulièrement illustre. “Jolene“, un classique, enchaine sur un style plus saccadé. Jetez-vous ensuite sur “Death Letter“, le titre dépasse la marque des 6 minutes, un petit régal pour les amoureux de sons distordus (vraiment distordus).

Canon“, que j’ai choisi de mettre à l’écoute, est plus nerveux encore. Jack White tend vers du proto-punk. Surement plus proche des Hentchman ou des Upholsterers, deux de ses early bands , il laisse place à plus de minimalisme. “Astro” enchaîne dans le même style et on saute directement à “I’m Finding It Hard To be A Gentleman“. C’est du White Stripes tout craché : le rythme varie de nombreuses fois, la batterie est rudimentaire et Jack se fait plaisir.

Screwdriver” a toujours symbolisé ce que les White Stripes ont fait de plus violent. Il ne pouvait en aller autrement, cette session Peel nous rappelle toute la force garage du groupe. Et puis, vient un véritable hymne : “You’re Pretty Good Looking” (For A Girl, devrai-je rajouter). Les filles, c’est beau… parfois. Ce morceau est trop court. “Hello Operator“, du genre à galvaniser grand papi sur son rocking-chair, est lui aussi très minimaliste. C’est le son qui caractérise cette session Peel, preuve que le rock se satisfait de peu. Et puis, les White Stripes concluent sur “Baby Blue“. Jack y a perdu la tête.

La seconde session, datée du 8 novembre de la même année, débute avec “Lord, Send Me An Angel“. C’est le titre d’une époque où les artistes écrivaient encore des chansons d’amour, sans ironie. Jack poursuit avec “Dead Leaves And The Dirty Ground“, un morceau que je recommande à tous ceux qui mettent des bouchons auditifs durant les concerts (seriously?!).

Parce que les White Stripes jonglent entre les différents albums de l’époque, De Stijl, White Blood Cells et son album self-titled, on enchaîne avec “I Think I Smell A Rat” pour construire un mouvement vers “Let’s Build A Home“. La batterie sature, mais le final assure (c’était facile). “The Union Forever“, un des morceaux les plus noirs de la discographie du groupe, nous fait entrer dans un grand château dans lequel toutes sortes de créatures apparaissent, preuve en est avec “Look Me Over Closely“, Halloweeennnn est là.

Looking At You” aurait pu être un titre de pop, dans une autre vie. Les White Stripes en font quelque chose de plus noisy, quelque chose de plus fou qu’une simple musique pour le peuple. Ça va mal avec “St. James Infirmary Blues“, heureusement Jack White se ressaisit avec “Do“, reprenant son rôle de crooner italien (kinda). “Rated X“, sur l’amitié homme-femme nous conduit tout droit sur “Jumble Jumble“, un titre qui tape là où ça fait du bien, du punk sale et qui s’assume comme tel. Je n’avais jamais noté les ressemblances de ce morceau avec la scène punk nineties, elles sont pourtant évidentes. Et puis, on conclut cette épopée avec “Little People“. Randy Newman raconte l’histoire des “Short People“, les White Stripes donnent la leur.

La parution de ces sessions Peel est une excellente nouvelle. On n’y apprend rien de nouveau sur le groupe, mais quelle joie que d’être confronté à du matériel nouveau. Les White Stripes n’en finiront décidément jamais d’hanter la scène rock’n’roll. Ah, le jour où ils se reformeront…

Je note, pour conclure, qu’il y a une certaine évidence à parler des White Stripes qui semble rebuter une partie de la presse. Et pourtant, quel phénix ! Au final, si je devais refaire mon top 20 des meilleurs albums de tous les temps, j’y mettrais les White Stripes à chaque reprise. Peut-être ferai-je varier le nom de l’album, mais concevoir le rock du 21ème sans Jack White est une escroquerie.

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