LP Review : Sufjan Stevens – Carrie & Lowell (Folk)

Sufjan Stevens. Still in Rock a déjà présenté Sufjan Stevens de nombreuses fois. Même si le dernier article sur cet artiste date de 2012, il est une évidence qu’il n’est jamais complètement sorti de notre imaginaire. Sufjan Stevens est un artiste à part, toujours à l’affut de nouvelles idées qui font évoluer la scène.
Carrie & Lowell, son nouvel album, est son projet le plus abouti. Certes, plusieurs de ces anciens opus sont excellents, et Sufjan Stevens nous a (agréablement) surpris de nombreuses fois. Seulement, Carrie & Lowell est un album plus simpliste que les précédents. Résultat, Sufjan y gagne en efficacité, laissant place à la belle histoire qu’il nous raconte. Cette histoire, c’est celle de Sufjan Stevens, de sa mère et de son père. Sans souffrir du cliché de l’artiste qui a ses comptes a régler, ou du créateur maudit à la recherche de compassion dans le regard de ses fans, l’album est juste et souvent splendide.
Beaucoup trouverons une grande source d’inspiration dans ces 44 minutes qui nous touchent en plein mile. A bien des égards, je ne suis pas certain de vouloir confier cet album à certains de mes proches. Après tout, ai-je bien envie de les voir développer cette même maussaderie ?! Pas si certain.
Death With Dignity” est un morceau fondamentalement triste. Sufjan Stevens y évoque la mort de sa maman, sur fond de “you’ll never see us again”. L’arpège sur la guitare laisse penser à une source d’eau bien tranquille loin des tracas d’une vie mouvementée. A mon sens, Sufjan Stevens atteint ici le paroxysme de son art. “Should Have Known Better“, pour sa part, frappe immédiatement par la pureté de la voix de Sufjan Stevens. Il y exprime de nombreux regrets, celui d’un abandon et celui de son inertie. Deux guitares l’accompagnent, une fois encore, Sufjan se trouve nu face à nous, ce que seuls les grands artistes savent faire. Loin des artifices de ses créations passées, ce morceau se permet même un interlude (à 2min40) qui frôle ce qui se peut se faire de plus parfait en matière de dream pop.
All Of Me Wants All Of You” et “Drawn To The Blood” nous tournent vers le père. On y comprend à quel point l’importance que Sufjan Stevens donnait à la puissance des bras parternels a pu le déterminer. “Eugene” continue dans un même registre, Sufjan y raconte comment son père, dans un moment magique et lumineux, faisait glisser de l’eau sur le haut de son crane en lui promettant l’invincibilité. On y image le sourire que son visage exprimait alors. Une fois encore, cette seule guitare nous rapproche d’une réalité qui donne le vague à l’âme. On retrouve un son plus chaleureux sur “Fourth Of July“. Pourtant, comme c’est le cas sur “Death With Dignity“, cette musique d’apparence accueillante cache des paroles très dures. La grisaille du présent plane sur les souvenirs rayonnants du passé, c’est amer. La langueur de ces 4 minutes vient se mêler avec une situation qui fait apparaître avec éclat la dureté du sourire d’une personne en pleine situation de détresse. Grands romantiques s’abstenir.
The Only Thing” pourrait-il nous redonner le sourire ? Peut être bien. Cette chanson d’amour au sens plus traditionnel du terme, un musicien qui exprime pour la première fois son attachement à une autre personne qui demeurai jusqu’alors étrangère à ces sentiments, nous donne une véritable bouffée d’air. Tout aussi chaleureux, “Carrie & Lowell” est un titre qui tend à se rapprocher des anciennes composition de Sufjan. On aurait bien du mal à ne pas être captivé par la candeur du titre suivant, “John My Beloved“. La famille s’agrandit, “I love you more that the world can contain”. Et puis, la conclusion de “Blue Bucket Of Gold” ne pouvait être autre. La voix de Sufjan Stevens est dédoublée sur deux pistes, une dernière fois, et il était normal que le dernier accompagnement soit laissé au piano tant il a de nombreuses fois guidé notre hyperémotivité.
Au final, l’écoute de Carrie & Lowell est l’une des plus émotives de ces derniers mois. Cet album évoque de nombreuses couleurs. La texture de chacun des morceaux parvient à créer un camaïeu de sentiments absolument incoercible.
Nul autre artiste que Sufjan Stevens aurait pu être le père d’une telle création. Sans jamais explorer un too much que sa musique peut sous-tendre, Sufjan Stevens parvient à nous faire tomber amoureux d’une musique si mal représentée que l’on ne peut s’empêcher d’avoir envie de s’en détourner parfois.
Cet album de Sufjan Stevens est très clairement une énorme réussite qui marquera sa carrière. Sufjan Stevens est un artiste à ce point talentueux que je ne doute pas qu’il saura rebondir vers d’autres horizons tous aussi réjouissants. Celui-ci, souvent mélancolique, nous permet d’explorer les fantômes du passé. Ecouter cet album, c’est un peu comme-ci nous nous promenions dans les rues que nous avions l’habitude de fréquenter. On s’y revoit vivre et rigoler avec les gens que l’on aimait. L’écoute de Carrie & Lowell est assurément difficile, et la sobriété de sa composition a pour effet de renforcer la nostalgie que l’on développe au fil des minutes. Chapeau bas.
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